Elle avait subjugué le public de La Roque d’Anthéron l’an dernier, remplaçant à « main levée » Maria João Pires souffrante. Marie-Ange Nguci revient et éblouit encore, déployant une nouvelle approche de l’interprétation par le biais de la direction d’orchestre. Exercice qu’elle mène pour la première fois et avec quel brio, sous la conque qui l’a déjà tant applaudie.
Une fée à la baguette
Certes, le bel orchestre du Sinfonia Varsovia a su convaincre les publics du monde entier, mais il faut bien reconnaître que, dirigé par Marie-Ange Nguci, il se transfigure. Un sourire scelle d’abord la relation entre les musiciens.
Ce temps dédié au regard, à l’empathie, instaure une complicité particulière. Si Marie-Ange Nguci peut emporter les auditoires où elle veut avec son piano, il semble que le même phénomène opère avec l’ensemble des instrumentistes qui sont avec elle. « Avec » et non « à côté », en fusion et non en accompagnement, la magie sensible, vécue, matérialise le rêve de la partition, de sa lecture, fine et attentive. La gestuelle précise et élégante de la cheffe d’orchestre fait danser l’orchestre, lui apporte un supplément d’âme. La Symphonie n° 1 en ré majeur opus 25, « Classique » que Prokofiev commença à composer en 1916 en pleine Guerre Mondiale et créée en avril 1918 à Pétrograd séduisit par, malgré, grâce, selon les points de vue, une apparence « classique », héritée de Haydn dont s’inspira le compositeur. Cependant, le « conservatisme » de l’œuvre n’est que de surface et porte en lui une ironie que la cheffe d’orchestre souligne avec subtilité tout en peaufinant le travail de chaque pupitre, dessinant les scènes de genre et les tableautins vivants qui émaillent le tissu narratif.
Marie-Ange Nguci © Valentine Chauvin
Souveraine depuis son piano
La puissance de la musicienne devient encore plus éblouissante lorsqu’elle dirige depuis son piano d’abord le Concerto pour piano et orchestre n° 21 en ut majeur de Mozart puis, le Concerto pour piano et orchestre n° 5 en mi bémol majeur, « L’Empereur » de Beethoven.
On ne cédera pas à la facilité du qualificatif « impériale » pour la désigner alors : si elle tient la bride haute, c’est avec un gant de velours. Une relation de confiance lie l’ensemble en une même respiration.
Dynamisé par cette artiste hors pair, l’orchestre entre dans une théâtralité qui se moque d’elle-même dans le Mozart, allie une lumière dorée aux phrasés emplis de surprises fulgurantes et au chant d’une bouleversante pureté du piano qui offre à la cadence une liberté toute de délicatesse et d’heureuse folie.
Le chef-d’œuvre de la littérature concertante qu’est le Cinquième de Beethoven décline son énergie héroïque et triomphante. Écrit malgré la proximité des batailles qui ensanglantent l’Europe de 1809, il semble faire un pied de nez virtuose aux misères humaines par le brillant d’un piano qui multiplie arpèges, trilles, gammes, amples vagues qui déferlent en tempêtes. L’intériorité de l’Adagio central permet de se ressaisir avant le déchaînement d’une danse populaire endiablée… réponse des peuples aux grands qui les jettent dans d’iniques conflits.
Marie-Ange Nguci © Valentine Chauvin
Dynamisé par cette artiste hors pair, l’orchestre entre dans une théâtralité qui se moque d’elle-même dans le Mozart, allie une lumière dorée aux phrasés emplis de surprises fulgurantes et au chant d’une bouleversante pureté du piano qui offre à la cadence une liberté toute de délicatesse et d’heureuse folie.
Le chef-d’œuvre de la littérature concertante qu’est le Cinquième de Beethoven décline son énergie héroïque et triomphante.
Écrit malgré la proximité des batailles qui ensanglantent l’Europe de 1809, il semble faire un pied de nez virtuose aux misères humaines par le brillant d’un piano qui multiplie arpèges, trilles, gammes, amples vagues qui déferlent en tempêtes.
L’intériorité de l’Adagio central permet de se ressaisir avant le déchaînement d’une danse populaire endiablée… réponse des peuples aux grands qui les jettent dans d’iniques conflits.
Marie-Ange Nguci © Valentine Chauvin
En bis, on avait le bonheur d’écouter la pianiste seule, éblouissante dans le Concerto pour la main gauche en ré majeur, M.82 de Ravel, avec son jeu fluide, puissant, nuancé, pailleté… Bonheurs !
Concert donné le 13 août au Parc de Florans, La Roque d’Anthéron
En complément une passionnante interview menée par Hannah Starman : ici.
Marie-Ange Nguci © Valentine Chauvin