La Compagnie Les Passeurs s’empare de la nouvelle pièce de Sabine Tamisier, écrite en étroite collaboration avec Sophie Lannefranque, une véritable co-écriture, « Éclipses », un huis-clos déjanté et subtil au cœur d’une tempête hivernale

« Tombe la neige, tranquillement pour le moment » … Simone (Gentiane Pierre), professeur de philo à l’université, cintrée dans un grand manteau noir strict attend l’agent immobilier, campée devant la balustrade d’un chalet isolé. Arriveront tout à tour deux autres personnages, Gaby (Stéphanie Rongeot), kiné « extrasensorielle », puis Annette (Lucile Jourdan), écolo convaincue et native du pays, venues, elles aussi, pour la visite du bâtiment à vendre. La tempête de neige s’intensifie, les trois protagonistes se réfugient à l’intérieur. Elles y passeront une nuit dont les heures bancales scanderont les temps.

L’employée de l’agence ne viendra pas. On retrouve au fil des dialogues savoureux et enlevés les trois addictions évoquées dans Héroïne(s), triptyque construit autour des textes de Sabine Tamisier, Dominique Richard et Sophie Lannefranque, alcool, sexe/sentiments, travail. Les trois actrices d’Héroïne(s) réunies de nouveau conservent leurs caractéristiques pour Éclipses. Annette partage le même amour de la nature et l’addiction à l’alcool que Livia (Héroïnes #1, Lamento de Livia). Gaby a tout du personnage Des cercles bleus et noirs d’Héroïnes #2 et Simone est aussi solitaire et se laisse dévorer par le travail comme dans Être ou ne pas de Héroïnes #3. Le texte d’Éclipses est collectif, ancré dans une semaine de recherche avec les comédiennes en improvisation sur le plateau. Son plan a été élaboré par les autrices et les actrices. 

Eclipses ©IsabelleFournier/ Les Passeurs

Eclipses ©IsabelleFournier/ Les Passeurs

Ce travail a permis l’élaboration de textes « sur mesure », épousant les respirations et les univers de chacune. Le début fut concocté par Sabine Tamisier en regard à la suite et fin rédigées auparavant par Sophie Lannefranque, d’où une cohérence et une unité de ton rares dans la mise en scène efficace et précise de Lucile Jourdan et Anne Cantineau. On rit beaucoup dans cette pièce qui sait être profonde et aborde au détour d’un éclat de jubilation les thèmes des migrants qui passent par les montagnes, des implications individuelles, de notre relation au monde, à ce qui nous freine, ce qui nous enrichit. Indubitablement une œuvre comme celle-ci, humaine et forte qui nous ouvre au monde.

Le 12 janvier, Théâtre de Pertuis