La légende veut que le jour de la générale de la Symphonie n° 1 de Prokofiev en avril 1918 (la date de création de l’œuvre achevée le 10 septembre 1917 et prévue en octobre ayant été reportée pour cause de révolution), le jeune compositeur à la baguette ait eu le visage baigné par les rayons rougeoyants du soleil. Le jour de la première le même effet se produisit, de bon augure pour cet opus « héliophile » car ce fut un succès.

Concert de L'Orchestre de Lausanne sous la houlette de Renaud Capuçon au GTP à Aix-en-Provence

Orchestre de chambre de Lausanne © Federal_studio

Le soleil des éclairages du GTP baignait l’orchestre de Lausanne et son chef, Renaud Capuçon qui s’affirme de plus en plus dans ce rôle complexe. Sans aucun doute, la verve du jeune Prokofiev se retrouvait dans l’interprétation vive et espiègle de sa Symphonie n° 1, dite, « classique » alors qu’elle joue avec les codes, introduisant quelques « joyeuses dissonances prokofiéviennes» dans son « classicisme mozartien » (dixit le compositeur). Renaud Capuçon dirigeait encore sans son violon la sublime suite pour orchestre de Gabriel Fauré Pelléas et Mélisande. Les sons creusés circulent entre les pupitres parfaitement équilibrés, le récit se sculpte avec finesse, déployant les phrasés, ne négligeant aucun détail de cet ouvrage qui traduit avec une délicate élégance le climat de la pièce du poète Maeterlinck. Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel nous contait les histoires de Charles Perrault, Madame Leprince de Beaumont et Madame d’Aulnoy, en échappant aux hypothétiques mièvreries des reprises disneyennes. Variété des tons, des atmosphères, des couleurs… la palette de l’Orchestre de Lausanne se pare de fragrances moirées sous la houlette de Renaud Capuçon en une complicité sensible. 

Le génial violoniste laissait parfois la baguette pour l’archet de son Guarneri de 1737 pour Rêverie et capriced’Hector Berlioz, cette « romance pour le violon avec accompagnement d’orchestre » dédiée au violoniste Alexandre-Joseph Artot, élève de Kreutzer. La feinte désinvolture de la partition offrait un air de liberté qui trouvera son acmé dans Tzigane de Ravel. La première partie, pour violon seul, a des allures d’improvisation sur des thèmes tziganes, acrobatique, époustouflante sous les doigts du violoniste particulièrement inspiré. Les superlatifs se révèlent impuissants pour traduire la puissante maestria de l’interprète et le bouleversement ressenti par l’auditoire.

 Les superlatifs se révèlent impuissants pour traduire la puissante maestria de l’interprète et le bouleversement ressenti par l’auditoire. (il fallait bien un entracte pour se remettre et être de nouveau disposé à écouter l’orchestre seul dans les suites de Fauré et Ravel précitées).

En bis, on quittait la musique française si bien traduite pour une courte pièce d’Elgar (Chanson de Nuit) et la si lyrique et sublime Valse triste de Sibelius. Emportements oniriques…

Ce concert a été donné le 3 décembre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence