Le musicologue et enseignant-conférencier, spécialiste du phénomène techno à travers les raves et les free parties et des musiques savantes, Guillaume Kosmicki, prend le parti dans son imposant ouvrage Compositrices, l’histoire oubliée de la musique, d’arpenter le vaste panorama de la composition musicale en suivant le découpage « classique » en huit sections « habituellement utilisées dans l’histoire de la musique savante occidentale : Antiquité, Moyen Âge, Renaissance, siècle des absolutismes (musique baroque), siècle des Lumières (musique «classique »), XIXe siècle (musique « romantique » puis « post-romantique »), périodes moderne et contemporaine». L’ossature posée, l’auteur découpe chacune de ces parties en un rappel sommaire des dates importantes qui permettent de situer la période présentée, puis esquisse avec clarté et précision les grandes lignes qui ont déterminé l’évolution des pratiques musicales et de la composition en les articulant dans leur contexte politique, social et économique. Un florilège de destins de compositrices suit ces contextualisations. 

À travers ces portraits de femmes se dessine une ébauche de l’histoire de la condition féminine. Se lit un constat qui nous montre combien les diktats sociaux, religieux, politiques, qui relèguent aux tâches domestiques, privent d’éducation, limitent les déplacements, placent sous tutelle perpétuelle, ont jugulé les formes d’expression de ce que Simone Veil nomma Le deuxième sexe. Interdiction du chant, puis de la polyphonie ou des ornements, jugés « trop sensuels » aux débuts du Moyen Âge, des opéras ou de pièces trop importantes, plus tard, partitions perdues, œuvres délibérément « oubliées », la liste des facteurs qui ont occulté non seulement les ouvrages mais les capacités des compositrices est tristement longue. Au fil des siècles de plus en plus de noms cependant émergent, trop souvent inconnus, depuis Sappho de Mytilène (v.630- v.560 avt JC) à Clara Iannotta (née en 1983).

Compositrices, l’histoire oubliée de la musique, Guillaume Kosmicki, éditions Le Mot et le Reste

L’histoire de la musique s’écrit non du point de vue, mais par le biais de l’évocation des compositrices. Le récit en est limpide et passionnant. Un ultime chapitre brosse un état des lieux aujourd’hui, souligne que si grâce à « #metoo, la parole se libère », « rien ne change » malgré tout, « la réalité froide des chiffres » égrène, implacable la réalité de notre monde contemporain : une seule femme, Debora Waldman dirige un orchestre national sur quatorze en France, « pour la saison 2018-2019, 3% des œuvres jouées ont été écrites par des compositrices ». Une anthologie foisonnante intelligente et documentée qui peut être considérée comme un ouvrage de référence en la matière.

Compositrices, l’histoire oubliée de la musique, Guillaume Kosmicki, éditions Le Mot et le Reste