Parmi les découvertes de ce début d’année, et un gros coup de coeur, il y a le travail de Dan Tepfer. Son approche a de quoi réconcilier avec les maths les plus allergiques. son approche de la musique, de son fonctionnement, est d’une ingéniosité bluffante. Un résultat froid pourrait-on penser, et bien pas du tout!

« Une musique à l’intersection entre l’algorithmique et le spirituel », ainsi se définit le travail du génial pianiste mais aussi astrophysicien qu’est Dan Tepfer. En tournée pour présenter son CD, Natural Machines (sorti en 2019), il faisait escale au théâtre Armand de Salon-de-Provence (enfin ! le concert initial était prévu en 2021), invité par Les Scènes Intérieures, déclinaison buissonnière de l’estival Festival international de Musique de Chambre de Provence. La musique classique a été source d’inspiration pour le musicien, surtout la musique de Jean-Sébastien Bach (Dan Tepfer a joué dans un disque paru en 2011 les Variations Goldberg telles que les a écrites Bach en ajoutant des variations improvisées à celles fixées par le Cantor) qu’attirait tout ce qui était nouveau dans l’instrumentarium de son époque. Curieux de tout à son exemple, Dan Tepfer s’empare du Disklavier de Yamaha, écho moderne des pianos mécaniques à rouleaux et qui a pour particularité d’être relié et piloté par un ordinateur portable. « Observer ce que la technologie peut apporter à la création musicale contemporaine est fascinant », sourit le pianiste qui fait part de sa passion pour les chiffres et des rapports qui se tissent entre eux, convoquant l’image de Pythagore et de la théorie de l’harmonie des sphères chez les Grecs de l’antiquité.

Dan Tepfer écrit pour chaque pièce un programme différent qui enjoint le piano à compléter ses improvisations, à la tierce, par exemple ou à l’octave, puis en canon ou en inversion… Ces programmes permettent au piano de « réagir » en temps réel aux improvisations du musicien, établissant un dialogue surréaliste où l’être humain et la machine semblent dialoguer avec finesse et parfois un humour potache. 

Dan Tepfer naturals Machines

Dan Tepfer Natural machines © DR

Un temps, Dan Tepfer laisse même le piano jouer seul tandis qu’il improvise au mélodica ! Un large écran surplombant la scène donne à voir sur son côté droit le clavier, les mains du pianiste et les touches du piano qui se meuvent d’elles-mêmes, comme si un fantôme bienveillant venait accompagner l’exercice du soliste. Sur le côté gauche se dessinent les formes produites par les sons, leurs enchevêtrements. Le morceau Fractal Tree est particulièrement fantastique : un arbre, composé d’une multitude de « y », semble respirer au fil des notes en un mouvement continu et hypnotique. Les mélodies naissent, se développent, s’épanouissent, s’étirent, bourdonnent, s’élancent, nourrissent la géométrie de leur écriture colorée d’un inlassable mouvement. Tout simplement beau et envoûtant.

Concert donné le 23 mars au théâtre Armand, Salon-de-Provence