Pour la première fois de sa déjà belle carrière, le pianiste islandais Víkingur Ólafsson, familier de La Roque d’Anthéron, jouait avec le chef d’orchestre Gábor Takács-Nagy à la tête du Verbier Festival Chamber Orchestra.
Depuis les coulisses, comme lors des autres soirées, retentit le « hakka » des musiciens du Verbier Festival Chamber Orchestra, précédant leur entrée sur scène. La plus grande partie des musiciens de l’orchestre sont jeunes, et leur dynamisme apporte aux partitions une lecture enflammée sous la houlette empathique de leur chef.
Lorsque le piano et l’orchestre duettisent
La soirée débutait par le Concerto pour piano en la mineur op. 54 de Robert Schumann. On sourit aux premières mesures qui préfigurent le boléro composé en 1941 par la pianiste mexicaine Consuelo Velazquez, « Besame, besame mucho ». Le concerto romantique a des destinées parfois inattendues ! « We had fun ! » déclarera à la fin de sa partie le pianiste qui aborda sa partition avec simplicité, mettant toute sa virtuosité au service du texte, laissant chanter les notes. Son dialogue attentif avec l’orchestre s’emporte parfois dans de larges mouvements lyriques, puis le piano se fait conteur, multiplie des trilles vertigineux où se lovent les rêveries d’une imagination débridée.
Víkingur Ólafsson © Pierre Morales
La netteté élégante du jeu permet une lecture en épure où semble naître d’elle-même une poésie ciselée par l’ensemble instrumental. Tout s’accorde, frémit, palpite en une diversité thématique qui s’appuie sur l’effet de surprise, arpente les registres, décline l’intime et le lie au monde. Entre deux cadences, le pianiste se retourne vers l’orchestre, délaisse le clavier, lui tournant presque le dos pour regarder les musiciens interpréter leur partie, puis, revient vers le piano accompagne de gestes de la tête les modulations de l’ensemble.
En bis, Víkingur Ólafsson rendait d’abord hommage aux origines hongroises du chef Gábor Takács-Nagy avec l’une des 3 chansons populaires hongroises de Béla Bartók puis à la France avec Le rappel des oiseaux de Rameau. Quelles que soient l’époque ou la forme musicale choisies, le pianiste livre une interprétation souveraine. Sans doute parce qu’on l’a découvert avec son album Philip Glass – Piano Works, on a l’impression que la technique appliquée à la musique contemporaine s’adapte à celle des œuvres antérieures et leur insuffle un nouveau sens et une vitalité neuve.
Víkingur Ólafsson © Pierre Morales
La musique danse
L’orchestre adapte du « hakka » revient seul après l’entracte pour la Symphonie n° 7 en la majeur de Beethoven avec allant et un rythme sans faille.
Le caractère dansant de l’œuvre se trouve magnifié. Le hautbois souvent à découvert s’emporte sur un tempo de danse qui sera répété tout au long du premier mouvement. La sublime marche du deuxième mouvement est soutenue par une dynamique interne qui la rend encore plus émouvante dans la sobre élégance de ses réitérations en crescendo. L’orchestre s’emballe sur le presto du troisième mouvement, le chef, trahissant son parcours de violoniste mime les positions des archets, s’enflamme avec son orchestre en une même approche passionnée.
Víkingur Ólafsson © Pierre Morales
Irrésistible, l’orchestre séduit par sa capacité à déployer avec autant d’intelligence légèreté et masse sonore sculptée. En bis, ce sera Eljen a Magyar ! de Strauss (Vive la Hongrie!) qui esquissera les pas d’une polka rapide et entraînante. Quelle fête !
Le 7 août, parc de Florans, Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron