Everything must change est sorti fin 2021, période peu propice aux concerts qui accompagnent de tels évènements. Désormais Caroline Mayer et ses musiciens peuvent se produire. Le 10 mars dernier c’était au Petit Duc à Aix-en-Provence. Le disque prend une nouvelle dimension et s’avère encore plus attachant lorsque l’on a vu les musiques incarnées sur scène. Une occasion de reprendre le papier que j’avais publié dans un numéro de Zibeline.

Les photographies contenues dans le CD renvoient à l’univers de la chanteuse, donnent à voir le silence lumineux qui l’a séduite dans un coin du sud de l’Italie où elle est retournée exprès pour les prises de vue de l’album.

Everything must change, nouvel album de la chanteuse Caroline Mayer, réunit le piano de Ben Rando, la contrebasse de Patrick Ferné, les percussions et la batterie de Cédrick Bec dans un univers jazzy à l’élégance sensible. On se laisse porter par l’instrumentation pailletée d’Harvest Moon et la douceur d’une réconciliation avec une nature délivrée de l’agitation des villes.

CD Caroline Mayer, Everything must change

L’ouverture en descentes chromatiques de Blackbird s’ourle d’une délicatesse acidulée aux pulsations d’un jazz qui renoue avec ses origines dans Afro Blues où la voix se mêle aux percussions nues que rejoint le contrechant de la contrebasse puis les accords du piano avant de larges respirations envoûtantes sur lesquelles la mélodie se déploie, arqueboutée sur des notes ostinato. La voix se fait légère, les balais effleurent la batterie, pour l’intimité de I get along without you very well… « of course I do ! ». La reprise d’Alfonsina y el mar est empreinte d’un lyrisme onirique dont l’intériorité semble nourrir Slave to love dans sa plongée sensuelle comme au cœur d’un tableau d’Edward Hopper. Le murmure du chant se fond aux harmoniques instrumentales de Speak low, joue de la fragilité des aigus, reprend son élan dans les graves, puis se glisse dans un temps étiré avec le ton de la confidence qui pourrait aussi sceller le départ d’un road trip dans It ain’t me babe. Le morceau final qui donne son titre à l’album se love dans l’inquiétude existentielle de l’instabilité du monde (« nothing stays the same »), la musique reste alors le point d’ancrage, le lieu stable où lumineux, le temps se suspend…