Le treizième cycle estival des Voix animées, Entre Pierres et Mer, s’achevait par un concert intitulé Parodia, sous les amples voûtes de l’abbaye de Silvacane.
Le titre pouvait induire en erreur, « parodia » autrement dit « parodie », laisse entendre aujourd’hui un certain humour, s’appuyant sur le pastiche ou la caricature souvent par l’inversion et l’exagération des caractéristiques d’un sujet. Mais cela n’a pas toujours été le cas : le réemploi des thèmes et de leur traitement n’a pas toujours été utilisé dans le but de se moquer. Le terme « parodie » peut aussi parler du réinvestissement dans un texte ou une musique des caractéristiques d’une source choisie. La « messe parodie » par exemple est une forme musicale en vogue à la Renaissance. Elle était composée sur la base d’une œuvre préexistante, sacrée ou profane comme une motet ou une chanson.
Si le motet a un caractère presque toujours religieux, il n’est pas lié par nature à une mise en scène particulière contrairement à la messe qui célèbre un rituel religieux catholique selon un déroulé précis.
Le contexte de « diffusion » des pièces influe sur leur esprit et c’est ce qui devient lumineux lorsque les Voix Animées se livrent à l’exercice des comparaisons, enchaînant motet et messe, tissant des correspondances, avec les motifs en écho, mais aux variations autres, la première forme renvoyant davantage à l’expression de l’intime, la seconde à une certaine profondeur mystique.
Les voix à cappella se superposent, s’étirent, se cherchent, s’harmonisent, se distordent.
En latence semblent se dessiner toutes les combinaisons musicales qui émergeront au fil des siècles suivants.
Un brin d’atonalité ici, un frottement de notes là, le triomphe de la perfection d’un accord, fluidité des séquences… tout est dit dans le creuset de ces pages qui se confrontent à l’éternité, au sublime, à l’indicible.
Les Voix Animées, Silvacane 2024 © Alexandre Minard
Deux compositeurs sont en présence, Giovanni Pierluigi da Palestrina et son disciple, Tomás Luis de Victoria, l’un qui fit sa carrière à Rome, l’autre, qui, après ses études dans la Ville éternelle, repartit vers son Espagne natale. Le thème qui les réunit à Silvacane est « Noël à Rome ».
Sofie Garcia, Sterenn Boulbin (sopranos), Raphaël Pongy, Maximin Marchand (contre-ténors), Damien Roquetty (ténor) et Luc Coadou (basse et direction musicale) entrecroisent les airs dans les lumières de Nicolas Augias.
Les motets composés par l’un et l’autre des deux grands musiciens de la Renaissance pour le temps de Noël, O magnum mysterium, sont mis en regard des messes de leurs auteurs.
Les Voix Animées, Silvacane 2024 © Alexandre Minard
Les six voix des compositions de Palestrina jouent avec les harmoniques des voûtes, s’étirent, célestes, tandis que le chœur à quatre voix de Victoria sonne avec une douce ferveur. La spiritualité et l’architecture se conjuguent en élans de grâce. L’exercice de style s’efface devant le propos et on se laisse emporter dans les méandres polyphoniques.
En guise de feuille de salle (dès la réservation les textes chantés et le déroulé du spectacle sont envoyés par mail aux spectateurs), le hors-série de Cité des arts, le magazine des Voix Animées décrypte, analyse, donne des points de repère qui éclaircissent l’ensemble avec humour et érudition (avec les Voix Animées, ce n’est pas incompatible !).
En regard des deux compositeurs de la fin du XVIème siècle sont évoqués les voix d’auteurs trop oubliés : en ouverture résonne l’élégant Duo Seraphim de Juan de Esquivel Barahona, et en fin de concert la délicate contrition de Commissa mea de Filipe de Magalhães.
Les Voix Animées, Silvacane 2024 © Alexandre Minard
Le premier rappel sera le Salve Regina de Victoria avant que les chanteurs, quittant les micros de la scène se tiennent en demi-cercle devant l’autel dans l’abside centrale et n’entonnent un bouleversant Veni Domine ! de Cristobal de Moralès.
Concert donné le 15 septembre en l’Abbaye de Silvacane
Les Voix Animées, Silvacane 2024 © Alexandre Minard