Barbara Polla et Julien Serve étaient déjà réunis dans le court et subtil ouvrage paru aux éditions Plaine Page, Moi, la grue. Les voici, elle écrivant, lui dessinant, dans L’art est une fête. Barbara Polla y retrace son aventure de galeriste depuis l’idée qui germa en 1984 alors que la jeune femme enceinte s’apprêtait à partir à Harvard. Boulimique de travail, elle mène une multitude d’activités avec le même bonheur, médecin, écrivain, poète, galeriste enfin, car elle aime « rencontrer l’autre », les artistes particulièrement, « parce que rencontrer un artiste, une artiste, c’est à chaque fois pénétrer au cœur de l’humain ». On sent son sourire lorsqu’elle affirme qu’elle aurait pu choisir d’être psychiatre afin de rencontrer l’âme humaine, mais les images créées par les artistes lui parlent, « racontent et recréent des mondes ». Tout devient fête, dans une célébration dionysiaque de la création, les images, les textes, les rencontres, les photographies, les discussions, la musique « qui crée le mouvement et (fait) flotter l’espace » et source d’histoires. Le nom de la galerie, Analix, lié à une faute d’orthographe, les difficultés financières résolues parfois sur le fil, les changements de lieu (le nouvel établissement se nomme L’herbe entre les pavés), les amitiés fortes tissées avec les artistes, leur regard, les commissaires d’exposition (Barbara Polla endossera aussi ce rôle)… Émerge une foule de silhouettes (croquées avec une délicate empathie par Julien Serve), passionnantes, passionnées, qui toutes sont source de nouvelles approches, poétiques, esthétiques, philosophiques, visionnaires parfois, intéressantes toujours. De chacun Barbara Polla apprend, « d’Adrian Philip (…) que le théâtre c’est la vie », de Paul Ardenne que « le travail nous construit, nous poétise»… Le récit se nourrit de tous ces êtres, foisonne de rencontres marquantes, tisse des ponts, des liens, nous livre un panorama de la vie intellectuelle des trente dernières années dans une esthétique de l’émerveillement de la vie, qui est aussi l’œuvre d’art de chacun. L’historienne d’art Marta Ponsa en postface brosse un portrait vivant de l’auteure. Quelle bouffée de saine et vivifiante énergie !
L’art est une fête Barbara Polla et Julien Serve (éditions Slatkine)