Léa Desandre, Thomas Dunford et l’ensemble Jupiter, retrouvaient le Grand Théâtre de Provence pour un concert intimiste inspiré de leur album Eternal Heaven consacré à Haendel. Thomas Dunford, le « Éric Clapton du luth » selon Kate Bolton (BBC Magazine) jouait le rôle de cicerone avec pertinence et humour, donnant un éclairage rapide et juste sur les œuvres interprétées afin que le public soit à même d’apprécier au mieux ce qui se passe sur scène. Donc, selon sa clausule préférée : « enjoy » ! Et comment ne pas aimer, ne pas se réjouir d’un tel spectacle !

La voix de la mezzo-soprano se glisse avec aisance dans le répertoire baroque, lui insuffle une vie dense.
Le concert débute par l’un des sommets de l’oratorio Theodora, composé en 1749 et fondé sur l’histoire légendaire de la martyre chrétienne Théodora, « With darkness deep, as is my woe, / Hide me, ye shades of night » (avec l’obscurité profonde de mon malheur, cachez-moi ombres de la nuit). L’innocence bafouée de la jeune femme trouve dans sa foi une force qui lui fait dépasser la fragilité de sa condition humaine, (« Oh, that I on wings could rise, /Swiftly sailing through the skies, /As skims the silver dove ! » oh si seulement je pouvais m’élever sur des ailes, naviguant rapidement dans les cieux, comme le vol d’une colombe argentée !).

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

Plus tard, après un extrait de An Occasional Oratorio composé à la va-vite (mais c’est Haendel !) entre janvier en février 1746 pour célébrer la victoire attendue du duc de Cumberland, fils du roi George II de la Maison de Hanovre (cette victoire sera effective un peu plus tard à la bataille de Culloden) le passage instrumental Dances from Terpsichore anime les esprits par la vivacité des mouvements des Sarabande, Gigue et Passacaille.  L’oratorio Theodora reviendra avec le lever du jour qui avance comme avec des pas rosés que décrit la meilleure amie de l’héroïne, Irène.

« Nous avons choisi dans les oratorios des extraits qui nous ont plus, et qui offrent à l’écoute la diversité des couleurs et des thèmes de l’œuvre de Haendel », sourit Thomas Dunford.
Malicieux, il évoque les trois heures de l’oratorio Theodora et de ses trois minutes instrumentales, Suite from Theodora que les musiciens amis de l’ensemble Jupiter interprètent avec lui. La complicité entre les instrumentistes, leur entente fine, accorde à la représentation une atmosphère particulière : malgré l’ampleur de la salle du GTP, ils accomplissent, à sept, le tour de force de donner la sensation de se retrouver dans une salle aux dimensions intimistes.

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

On sourit à la fraîcheur des interprétations, aux mimiques qu’échangent les musiciens, aux facéties de Léa Desandre qui ôte parfois ses chaussures comme pour capter l’énergie du sol. Son corps entier est musique, rythme, vibrations, vecteur des mélodies qui sont aussi sensations tangibles, vécues.

Son timbre pur arpente les partitions avec une puissance poétique rare, voici l’invocation Guardian Angels, Oh, Protect me (The triumph of time and truth) ou le délicat Will the sun forget to streak de l’oratorio Solomon. Chaque note est travaillée, pleine, posée, quel que soit le tempo demandé, les aigus aériens ont la même plénitude et la même rondeur que les superbes graves de soprano de l’artiste. Thomas Dunford prépare le public à l’exploit acrobatique de No, no, I’ll take no less (Semele) dont les voltes sont autant d’écrins à la virtuosité de la chanteuse.

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. © Caroline Doutre / Festival de Pâques

On fera le détour par la Sarabande (Suite n° 4 en ré mineur HWV437) chère à Barry Lindon avant le bis sur une composition de l’ensemble, We are the ocean (dernier morceau de leur disque Vivaldi), version pop dans laquelle les musiciens sont aussi à l’aise que dans le baroque. Aucune frontière dans la musique ! Seront reprises en bis les deux propositions de Thomas Dunford, l’acrobatique et la rêveuse. Enchantements !

Concert donné le 15 avril 2025 au Grand Théâtre de Provence dans le cadre du Festival de Pâques.