L’arbre à sang du dramaturge australien Angus Cerini impose sa puissance tragique sur la scène du théâtre de l’Archevêché
Elles sont trois, face au public, simplement assises sur leurs chaises, avec leur langage rugueux, aux aspérités sauvages, trois femmes, une mère et ses deux filles, trois Parques dressées au-dessus du cadavre d’un homme, père, mari, atroce de violences et de colères. « Avec une balle dans le cou, ta tête de crétin a l’air bien mieux qu’avant » déclare en préambule la mère, Dominique Hollier, traductrice du texte.
S’orchestre la célébration de la vengeance, enivrante, revanche sur les horreurs vécues. La trivialité des mots renvoie par sa crudité à la cruauté subie, expression enfin libérée d’une haine ressassée. Si l’une des sœurs (interprétées respectivement par Lena Garrel et Aude Rouanet) s’affole lorsqu’elle prend conscience du caractère irrémédiable de leur acte, elle est vite ramenée à un sentiment de fierté espiègle par les deux autres personnages. À la fête des mots qui se fichent dans la chair du cadavre comme autant de poignards supplémentaires, succède le souci du corps. Qu’en faire ? Les voisins arrivent, voient, malgré les tentatives infructueuses du trio de dissimuler la « bête », mais se taisent, et conseillent les méthodes propres à se débarrasser de l’encombrant macchabée « en trois jours »… pendu à l’arbre à sang qui sert d’ordinaire aux cochons, mangé de l’intérieur par les rats, piqueté par les oiseaux, puis dépecé par les poules, enfin débité par la chienne du facteur-gendarme qui se souvient de ses chiots tués à coup de botte par l’ivrogne.
L’arbre à sang © Bois de l’aune
S’orchestre la célébration de la vengeance, enivrante, revanche sur les horreurs vécues. La trivialité des mots renvoie par sa crudité à la cruauté subie, expression enfin libérée d’une haine ressassée. Si l’une des sœurs (interprétées respectivement par Lena Garrel et Aude Rouanet) s’affole lorsqu’elle prend conscience du caractère irrémédiable de leur acte, elle est vite ramenée à un sentiment de fierté espiègle par les deux autres personnages. À la fête des mots qui se fichent dans la chair du cadavre comme autant de poignards supplémentaires, succède le souci du corps. Qu’en faire ? Les voisins arrivent, voient, malgré les tentatives infructueuses du trio de dissimuler la « bête », mais se taisent, et conseillent les méthodes propres à se débarrasser de l’encombrant macchabée « en trois jours »… pendu à l’arbre à sang qui sert d’ordinaire aux cochons, mangé de l’intérieur par les rats, piqueté par les oiseaux, puis dépecé par les poules, enfin débité par la chienne du facteur-gendarme qui se souvient de ses chiots tués à coup de botte par l’ivrogne. La conspiration collective de tous ceux qui savaient mais n’ont jamais rien dit soutient les femmes dans leur secret, collectent une cagnotte solidaire destinée à les aider… La rusticité des personnages se frotte à ce conte cruel et lui accorde la dimension mythique d’une nouvelle fondation, sacrifice rituel qui transmute le mal en ferment nourricier pour la faune et la flore (les os cuits seront un excellent engrais pour les roses !). Du patriarcat délétère on passe à un matriarcat fertile… et une invitation à partager une soupe de poireaux pommes de terre à la fin du spectacle. Une nouvelle claque théâtrale à cet Automne à l’archevêché !
Le 7 octobre, théâtre de l’Archevêché dans le cadre d’Un automne à l’Archevêché, Aix-en-Provence