Une osmose particulière s’est nouée entre l’Orchestre Symphonique de Nice sous la houlette de Lionel Bringuier et le jeune pianiste Alexander Malofeev sous la conque du parc de Florans.

Un orchestre brillant

La première partie était consacrée à l’orchestre seul, contrairement aux organisations traditionnelles qui lui font précéder la partie concertante. Ici, tout était conçu pour établir une gradation de nuances, de couleurs, d’émotions. L’ouverture mozartienne des Noces de Figaro donnait le ton, dans la rapidité de ses crescendos, ses vertiges, ses apothéoses dessinées avec une rare clarté par un orchestre aux pupitres subtilement équilibrés menés par leur chef principal depuis 2023, Lionel Bringuier, qui doit prendre en septembre 2025 la direction musicale de l’Orchestre philharmonique de Liège. Suivait, comme pour rester dans les inspirations du Sud (les Noces de Figaro se passent en Espagne, mais le livret est en italien) la Symphonie n° 4 en la majeur opus 90, ‘Italienne’ de Mendelssohn.

Lionel Bringuier © Pierre Morales

Lionel Bringuier © Pierre Morales

Le compositeur aimait sans aucun doute les « carnets de voyage », et transcrivit musicalement ses impressions « touristiques » (après tout le terme de « touriste » est apparu pour la première fois dans les années 1803 pour désigner les voyageurs anglais !). Il a ainsi dédié l’une de ses symphonies, la n° 3, Écossaise, aux highlands écossais.

Inspiré par les paysages et les ruines de l’Italie durant sa « tournée » à travers le continent européen, le musicien né dans la ville libre et hanséatique de Hambourg livre une pièce dynamique et joyeuse. L’Allegro vivace nous transporte dans les délices de la campagne romaine, soulignés par l’éclat des cordes. Le cahier de notes du voyageur d’étoffe d’échos, ici un chant de pèlerins à Rome (deuxième mouvement), là, un menuet, une chasse, (troisième mouvement), enfin un finale curieusement en mineur alors que la pièce est écrite en mode majeur, d’une fougue impétueuse.

Lionel Bringuier © Pierre Morales

Lionel Bringuier © Pierre Morales

Et la jeunesse virtuose d’un pianiste

On l’avait vu et écouté avec bonheur lors du 35ème festival de La Roque d’Anthéron en 2014. Il avait alors treize ans, venait de remporter le premier prix et la médaille d’or du 8ème Concours international Tchaïkovski pour jeunes musiciens à Moscou, et sa jeunesse doublée d’un brio époustouflant avait séduit définitivement le public. Depuis, chacun de ses retours sous la conque fait évènement. On se souvient entre autres « grands moments », de sa prestation avec l’inénarrable et génial Orchestre du Tatarstan dirigé par le  tout aussi gigantissime Alexander Sladkovsky!

C’est sur le Concerto pour piano et orchestre n° 1 en si bémol mineur opus 23 de Tchaïkovski qu’Alexander Malofeev rejoint l’orchestre après le brillant des premières mesures des cors. La précision et la vivacité du jeune pianiste trouvent ici un terrain de jeu particulièrement propice. La puissance percussive, les nuances qui éclosent peu à peu, l’écoute de l’orchestre avec lequel il équilibre l’intensité de son jeu, servent ce bijou de la littérature musicale avec brio. L’élégance du jeu de ce déjà immense artiste sait se glisser dans un dialogue nuancé avec les différents pupitres de l’orchestre. La passion, le lyrisme, mais aussi une certaine espièglerie, sont rendus sensibles au fil des pages qui narrent aussi bien les remuements d’une âme exigeante que les émotions liées au souvenir d’une danse, d’un air populaire, flirtent avec le ballet classique, se retrouvent sur une place de village…

Alexander Malofeev © Pierre Morales

Alexander Malofeev © Pierre Morales

Le programme fait-il ici un clin d’œil aux JO ? Depuis 2020 ce Concerto n° 1 de Tchaïkovski est utilisé comme hymne pour les remises de médailles aux athlètes russes concourant sous la bannière neutre (ROC) puisque, par décision du Tribunal arbitral du sport la Russie est exclue de toute compétition internationale. L’Ouverture du concerto, considéré comme faisant partie de la culture mondiale, a été choisie pour remplacer l’hymne national de la fédération de Russie.

Alexander Malofeev © Pierre Morales

Alexander Malofeev © Pierre Morales

Généreux, Alexander Malofeev offrait trois rappels, la transcription par Kemff du Menuet en sol mineur de Haendel, le fabuleux Prélude en do dièse mineur de Rachmaninoff et, prouesse sur le gâteau, le Prélude pour la main gauche de Scriabine. Petit récital soliste d’une éblouissante magie !

Le 31 juillet, parc de Florans, Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron

Alexander Malofeev © Pierre Morales

Alexander Malofeev © Pierre Morales