À ceux qui pourraient encore s’interroger sur l’engouement pour le jeune chef Klaus Mäkelä qui enflamme la planète musicale, les deux concerts donnés au GTP dans le cadre du Festival d’Aix apportaient une réponse éblouissante
Création
En ouverture des deux soirées de concert, était donnée, en création mondiale, une œuvre commandée conjointement par l’Orchestre de Paris et le Festival d’Aix à la jeune compositrice britannique Charlotte Bray, A Sky Too Small. Les premières notes données sur le fil des violons se charpentent avec les graves des cuivres, vibrations pailletées dans une esthétique de l’attente. Le silence se sculpte sur les pizzicati étouffés des violons tandis que s’élabore un tableau sonore constitué de traits en écho avant que l’ensemble s’embrase. L’évocation de la liberté volée, – l’histoire est celle d’une personne injustement emprisonnée-, trouve des tonalités sombres et glaciales en une construction proche du poème symphonique où la fin est un reflet douloureux du début. Malgré cette tension qui met tout en cage, même le ciel, naissent ici et là des fleurs mélodiques dont la fragile beauté nous donne encore l’espérance d’une possible réconciliation des êtres.
Le goût du spectaculaire
Lumineuse dans ses grands contrastes, ses crescendos vertigineux, ses entrées aux accords nets, selon le « goût français », d’où le nom de « Paris » qui lui est accolé, la Symphonie n° 31 que Mozart composa en 1778, rompait avec les angoisses précédentes, jouant des ambivalences entre les tonalités majeures et mineures. Les timbales annoncent les orages romantiques tandis que pour la première fois chez Mozart, apparaissent les clarinettes… Après une pause nécessaire, la Symphonie fantastique de Berlioz déployait sa foisonnante instrumentation, ses couleurs, ses accents. La direction d’une précision tranchante apportait un velouté subtil à cette partition révolutionnaire. Le chef, habité, danse, mime, joue, en osmose totale avec son orchestre, ciselant les détails, offrant une liberté vivifiante aux instrumentistes qui épousent avec virtuosité toutes les inflexions du propos. La quintessence du mouvement romantique se voit résumée ici, dans une interprétation d’une fougue, d’une intelligence et d’une poésie rares.
Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris © Festival d’Aix
Post-romantisme
Deuxième volet du diptyque symphonique, le concert du 14 juillet était consacré à la Nuit transfigurée de Schönberg et à la Quatrième Symphonie en sol majeur de Mahler.
D’emblée, Klaus Mäkelä sait faire entrer public et orchestre dans la chair de l’œuvre. Le travail subtil des aigus façonne l’invisible et l’indicible. Théâtral, l’orchestre nous emporte dans son rêve nourri des vers de Richard Dehmel où « la lune court au-dessus des grands chênes » et voit un couple sa « trahison », son pardon au cœur de la quiétude des arbres. Suivait cette évocation frémissante l’œuvre mahlérienne, dont le lyrisme intègre danses villageoises, grelots, se plaît aux ruptures, aux amples vagues des cordes éclairées par les sonorités rutilantes des cuivres, utilise les altos et les violoncelles sur les parties mélodiques réservées traditionnellement aux violons, leur accordant une épaisseur veloutée. Dans le mouvement final, la voix de la soprano Christiane Karg énonce les « joies de la vie céleste » avec une aisance et un naturel qui en rendent la beauté évidente. Un art de la joie qui nous transcende…
Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris © Festival d’Aix
Deux membres éminents de l’orchestre, Gilles Henry (violon) et Jean-Michel Vinit (cor) faisaient leurs adieux lors des première et seconde soirée, autre moment d’acclamations pour un public dont les applaudissements ont retenti comme rarement au GTP !
Les 13 & 14 juillet, GTP, Aix-en-Provence, Festival d’Aix