Le Festival Soirs d’été à Silvacane fait désormais partie des moments attendus du début de l’été. En trois soirées thématiques, il sait faire rire, rêver, écouter, danser avec une programmation d’une irréprochable qualité, accessible à tous et proposée par des artistes de la Région (trop souvent les programmateurs, soucieux de « faire le plein », misent sur des noms internationaux ou nationaux en oubliant combien foisonnante est la création sur notre territoire !). Rares sont les manifestations aussi résolument intergénérationnelles et d’une telle richesse !

Les première et dernière soirées étaient placées sous le signe de la musique : on pouvait être séduit par les interprétations de Marjorie Orial (chant) et Gabriel Marini (guitare) dans un répertoire folk, rock, ou par l’Ensemble Bande Originale sur des musiques de cinéma que le duo de danseurs Nina Webert et Axel Loubette venait rendre tangibles par leur vision personnelle, lyrique et teintée d’humour, de ces standards. En final, l’inénarrable Cathy Heiting offrait la teneur de son dernier CD, Unconditional, peaufiné avec un talent fou par ses musiciens en Quintet.

Kader Attou/Prélude/ Silvacane © Jean Barrak.

Prélude / Accrorap / Kader Attou © Jean Barrak

La deuxième soirée était entièrement consacrée à la danse par le biais de deux spectacles. On avait plaisir à retrouver l’ancienne « chouchou » de Josette Baïz, Sinath Ouk et sa compagnie Nakou-Sinath Ouk dans une création MixTis (sur une création musicale de Uli Wolters), dans laquelle Nina Webert remplaçait « au pied levé » Laura Cortès initialement prévue (la chorégraphe exprimait la possibilité de créer un nouveau rôle à cette dernière dès son retour afin de garder aussi la lumineuse Nina Webert). L’ultime tableau de la chorégraphie mettait les enfants de l’école de danse de Sinath Ouk sur scène tandis que le public était convié à la danse dans une bonne humeur communicative.

Auparavant, neuf danseurs de la compagnie Accrorap de Kader Attou avait transporté le public par une énergie et une tension rare qui charpentaient le propos de Prélude, l’une des dernières créations du chorégraphe et danseur. La pièce était donnée dans son intégralité au Festival Off d’Avignon et les artistes avaient eu la gentillesse de venir à Silvacane dès leur représentation achevée pour donner la « version courte » de l’œuvre (il y a deux versions : Prélude In, 1h20 et Prélude Out ,35mn) Autobiographique, elle retrace le parcours de Kader Attou, et scelle le passage de la danse de rue et de ses battles à une construction chargée de sens. On assiste à la transmutation d’une forme d’expression populaire au sens noble du terme, à une démarche artistique qui n’oublie pas la rue mais sait se fusionner aux autres influences et s’ouvrir au monde.

Nina Webert © X-D.R.

Nina Webert © X-D.R.

La maîtrise des danseurs (deux femmes et sept hommes) est époustouflante. La performance gymnique propre à la breakdance et la volonté de dire de la danse contemporaine se fondent. Les acrobaties rituelles du hip-hop s’intègrent dans la partition chorégraphique et ne sont plus des fins en soi mais expriment l’exacerbation d’une émotion, d’un récit. La musique de Romain Dubois, taillée sur mesure, ajoute à l’intensité des évolutions des artistes, soulignant le tiraillement entre l’explosion de l’expression personnelle et la puissance d’un groupe uni par un même élan. La danse de rue où triomphe l’individualisme se voit ici partie prenante d’un collectif : l’exploit de l’un devient celui de l’ensemble. L’ode au hip-hop est aussi celle de ces corps vivants emportés par un irrésistible crescendo rythmique qui subjugue le public.

Le Festival Soirs d’été à Silvacane a été donné les 4, 5 et 6 juillet 2025

Mix-Tis / Silvacane © agence Artistik

MixTis/ Sinath Ouk © Agence Artistik