Le festival de Vauvenargues créé par le violoniste Bilal Alnemr a la particularité dans la constellation des manifestations de l’été de réunir non seulement des artistes d’exception, venus du monde entier, mais de relier la musique à l’art pictural et aux sites naturels de la Sainte-Victoire. Depuis sa création en 2022, le festival se love dans les murs du musée Granet aussi bien que dans les lieux que lui offre le village de Vauvenargues avec en arrière-plan les reliefs somptueux de la montagne.
La relation entre l’amour de la peinture et celui de la musique s’est exprimée en amont du festival, comme un premier clin d’œil à l’été à venir, lors du concert donné en l’église Saint-Jean-de-Malte à Aix-en-Provence. Le violon de Bilal Alnemr était accompagné de l’alto de Marie-Anne Hovasse et du violoncelle de Maciej Kulakowski dans une superbe interprétation des Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach dans leur transcription pour trio à cordes de Dmitry Sitkovetsky. Le bénéfice de la manifestation était destiné à la réalisation de kits pédagogiques pour découvrir la peinture de Cézanne et à la restauration d’une œuvre d’art de l’Académie d’Aix-en-Provence. Le thème était donné : l’année Cézanne inspire l’élaboration du programme du festival qui se présente comme une invite au voyage entre les tableaux et les musiques de l’époque du peintre.
Des concerts…
La finesse du jeu de l’interprète se double de celle de l’organisateur qui concocte un programme où se croisent les œuvres de Ravel, César Franck, Clara Schumann, Charlotte Sohy, Amy Beach, Florence Price, Claude Debussy, Marina Dranishnikova. Il est à souligner l’attention particulière accordée aux compositrices dont les noms restent moins familiers que ceux de leurs homologues masculins.
Le jeune instrumentiste joindra les phrasés délicats de son violon aux accents du piano de Nadezda Pisareva, lauréate de nombreux concours en Europe, dans un répertoire qui passe du XIXème aux débuts du XXème siècle, allant des Trois romances de Clara Schumann à la Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck. On le retrouvera au Musée Granet aux côtés de l’hautboïste Gabriel Pidoux, du violoncelliste Luc Dedreuil et du pianiste Jorge Gonzalez Buajasan (que nous avons applaudi à Vauvenargues sur le parvis de la mairie l’an passé). Il est à noter que l’entrée au concert donne droit à la visite de l’exposition Cézanne au Jas de Bouffan à partir de 19h30 (après la fermeture du musée au public, ce qui permettra de profiter des lieux avec une foule réduite !). Ravel, Déodat de Séverac, seront à l’honneur ainsi que Debussy et Britten grâce à cette formation chambriste de haut vol.
Bilal Alnemr et Jorge Gonzalez Buajasan au festival de Vauvenargues 2024 © X-D.R.
Face à la montagne, alors que le soir descend, la subtile découvreuse de talents et immense professeur, la magnifique soliste Claire Désert offrira la pureté sensible et nuancée de son piano à des pièces de Chopin, Robert Schumann, Brahms, Janáček, Debussy, Bartók.
Concert de prestige gratuit grâce à un partenariat entre la mairie de Vauvenargues et le Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, (l’OJM) qui a accueilli Bilal Alnemr alors qu’il avait juste treize ans, alignera ses 93 jeunes musiciens issus de formations de tout le bassin méditerranéen sur de grandes œuvres du répertoire classique (Wagner, Gounod, Mahler) mais aussi sur une composition collective de ce bel ensemble avec le Quintet et Amina Edris, jeune soprano née au Caire et élevée en Nouvelle-Zélande. (Attention ! ce concert donné durant le festival d’Art Lyrique, sera la seule représentation avec celle du GTP le 21 juillet à donner à écouter la création de l’OJM !). À la tête de l’orchestre on retrouvera le génial chef Evan Rogister. Bref, une clôture d’exception!
Et la volonté de transmettre
Jouer, oui, mais transmettre le bonheur de pratiquer la musique, le rendre accessible au plus grand nombre, car l’art libère les esprits, les amène à élargir leurs perspectives en écoutant l’autre. Bilal Alnemr tient absolument à mettre en œuvre tout au long de son festival des moments de découverte et de perfectionnement. Il y aura ainsi des master-classes avec Bilal Alnemr au violon et Agnès Huber-Evesque au piano et un matin consacré à un atelier enfant d’éveil musical. La musique relie les mondes et franchit les siècles.
Ce n’est pas par hasard que l’association qui gère le Festival de Vauvenargues se nomme Ugarit, du nom de l’antique cité syrienne que l’on orthographie aussi « Ougarit ». C’est là que dans les années 1950, des tablettes d’argile portant des signes d’écriture cunéiforme datant d’environ 1400 ans avant Jésus-Christ, furent découvertes par des archéologues français. Le texte ne correspondait pas aux graphies déjà connues. On se rendit compte qu’il s’agissait de la transcription d’un hymne en l’honneur d’une déesse de la mythologie mésopotamienne, Nikkal, « Grande Dame et fructueuse », déesse des vergers, fille du dieu de l’été, Khirkhibi, et épouse du dieu de la lune, Yarikh.
Sur-ces-tablettes-des-chants-dans-une-ecriture-cuneiforme-en-langue-hourrite-datant-denviron-1400-Mission-archeologique-syro-francaise-de-Ras-Shamra-Ougarit-©-Francoise-Ernst-Pradal.
Son hymne était probablement une invocation destinée à accorder la fertilité aux femmes. Bilal Alnemr aime évoquer ces tablettes, qui « sont en fait la plus ancienne trace de notation musicale retrouvée ». Excellence quand tu nous tiens !
Le festival aura lieu du 18 au 23 juillet à Vauvenargues et au Musée Granet d’Aix-en-Provence.
(Partition des tablettes d’Ugarit par le musicien Michael Levy à la lyre)