En 1982, parmi les danseurs du chorégraphe Jean-Claude Gallotta, qui présentait alors, à son retour d’Amérique où il avait découvert Merce Cunningham, l’un des ballets fondateurs de son art, Ulysse, se trouvait Josette Baïz qui remportait la même année le premier prix du 14ème Concours international de chorégraphie de Bagnolet ainsi que ceux du public et du Ministère de la Culture.
En 2007, avec le Groupe Grenade qu’elle a fondé, elle reprendra Ulysse en adaptant la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta aux enfants qui l’interprèteront. La pièce sera reprise plusieurs fois, créant des « générations Ulysse » successives. Les anciens danseurs de l’œuvre se remémorent en souriant leurs débuts dans ce ballet d’une exigence folle et d’une indicible poésie.
La nouvelle génération 2025 dansait au Pavillon Noir les 16 et 17 décembre derniers.
Les jeunes danseurs et danseuses, tous vêtus de blanc, comme pour sceller la puissance originelle du mythe par une fraîcheur des débuts du monde, apportent leur fougue et leur indéniable talent aux vingt-quatre tableaux du ballet, vingt-quatre, comme le nombre de chants de l’Odyssée d’Homère, vingt-quatre histoires pour rendre compte de l’invraisemblable voyage, de ses haltes tragiques ou amoureuses, des colères de Poséidon, de l’innocence chargée d’empathie de Nausicaa, des sortilèges de Circé, du chant fatal des sirènes, de l’attente de Pénélope…
Ulysse / Jean-Claude Gallotta/ Josette Baïz © Léo Ballani
Nathalie Yokel et Philippe Verrièle dans leur ouvrage Ulysse de Jean-Claude Gallotta, (Nouvelles éditions Scala, collection Chefs-d’œuvre de la danse, 2024) soulignent combien cette œuvre est majeure dans les années 1981, annonçant « le renouveau de la danse de groupe, amorcé par le courant de la Nouvelle danse française ». Ils évoquent cet Ulysse qui, au fil des reprises du ballet, est resté un « voyage en blanc, joyeux comme un rêve d’adolescence éternelle. Car le paradoxe d’Ulysse tient à ce qu’à feindre ignorer le temps qui passe, il en avive la conscience. Et constitue l’une des étapes de la prise de conscience du répertoire chorégraphique contemporain. »
Le pari de Josette Baïz est de reprendre une pièce composée pour des adultes et de l’adapter aux jeunes danseurs de Grenade (entre dix et quinze ans). Rien n’est évité des difficultés de cette partition chorégraphique (même si elle est un chouïa réduite), on retrouve la gestuelle de Gallotta, son caractère impulsif, son énergie, son travail en épure. La technicité des enfants est époustouflante, leur grâce aussi. On est séduit par la fluidité du spectacle, son rythme sans faille, sa force évocatrice. Les mouvements d’ensemble sont d’un dynamisme prenant, les petits tableaux touchent par leur intensité.
Ulysse / Jean-Claude Gallotta/ Josette Baïz © Josette Baïz
Les jeunes interprètes savent occuper le plateau avec une telle conviction que jamais l’espace ne semble vide même lorsqu’il s’agit de solos. La légèreté des évolutions est au service d’une palette nuancée et lumineuse.
Marque le temps du récit un gros ballon blanc poussé sur une ligne invisible en fond de scène, comme pour dessiner la progression du jour. Des noms lancés, réitérés, tels des bouteilles à la mer, viennent rappeler les personnages marquants du récit, « Ulysse », « Pénélope », « Cyclope », « Circé » … Le monde se transforme en immense cour de jeux où les enfants évoluent avec aisance, précis, facétieux, elfes joyeux qui s’amusent des équilibres et des ruptures. Une petite merveille !!!
Ulysse a été dansé les 16 & 17 décembre 2025 au Pavillon Noir, Aix-en-Provence
Prochaines dates au ZEF à Marseille pour 3 représentations :
* jeudi 8 janvier 2026 – 20h
* vendredi 9 janvier 2026 – 14h30 (scolaire et bord plateau)
* vendredi 9 janvier 2026 – 20h

