Une ouverture consacrée aux musiques de film, « musique française uniquement », précise Renaud Capuçon, maître d’œuvre auprès de Dominique Bluzet et du CIC de cette manifestation qui fête son dixième anniversaire 

Certes, quelques puristes ont pu rechigner et trouver qu’une ouverture de festival par des musiques de film, ce n’était pas forcément dans l’esprit d’une manifestation qui porte à ses sommets la grande musique classique. Ce à quoi l’on pourrait objecter que les frontières entre les musiques sont bien artificielles et que la maestria des instrumentistes ou des compositions ne dépend pas du genre interprété. Choisir d’ouvrir la dixième édition du prestigieux festival de Pâques par un concert dédié aux musiques de films, pouvait sembler une gageure, ce fut un triomphe et la démonstration lumineuse que la « musique de cinéma » est aussi de la grande musique, construite, élégante, abstraite ou figuraliste selon les propos, puissamment ancrée dans nos imaginaires, et libre de tout besoin du support de la pellicule, l’inverse n’étant pas prouvé…

 Duncan Ward, le chef que l’on retrouve tous les étés au Festival d’Aix aux côtés de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, apportait sa fougue et son intelligence fine des partitions au superbe ensemble Les Siècles Pop. En souriant, il confiait que Renaud Capuçon souhaita d’emblée travailler ces musiques avec un orchestre choisi parmi les meilleurs. Cette musique que les deux complices aiment devait être traitée de la même manière que celle répertoriée comme « grande ». 

Festival de Pâques 2023- Renaud Capuçon- Duncan Ward-Les Siècles © Caroline Doutre

Festival de Pâques 2023- Renaud Capuçon- Duncan Ward-Les Siècles © Caroline Doutre

« Ce n’était pas « too much » de reprendre Love story de Francis Lai ? » demandait le violoniste à l’issue du concert à ses amis qui le rassurèrent : irréprochable fut l’éclectisme et la qualité du florilège présenté, passant d’œuvres de Georges Delerue dont on ne dira jamais assez qu’il fut un immense compositeur, Francis de Roubaix, Jean-Claude Petit, Philippe Sarde, Maurice Jarre, Philippe Rombi, Alexandre Desplat, Michel Legrand, Joseph Kosma, Gabriel Yared, Vladimir Cosma (dont l’extrait saisi dans Les aventures de Rabbi Jacob déclenchèrent les rires et l’enthousiasme de la salle, tandis que le chef d’orchestre dansait, mimait, jouant avec ses musiciens avec une verve joyeuse communicative). 

Festival de Pâques, Renaud Capuçon- Duncan Ward- Les Siècles Pop- Grand Théâtre de Provence

Festival de Pâques 2023- Renaud Capuçon- Duncan Ward-Les Siècles © Caroline Doutre

Chaque pièce fut ciselée, magnifiée dans le creuset de l’orchestre dont chaque pupitre dessinait ses lignes et ses couleurs avec justesse et pertinence. Le violon solo de Renaud Capuçon aérien et incarné (oui avec cet exceptionnel musicien, c’est possible !) donnait à entrevoir des univers, des émotions, allant là où les mots ne savent plus transcrire les mouvements de l’âme humaine. « De la musique avant toute chose »…

Concert d’ouverture du Festival de Pâques donné le 31 mars au Grand Théâtre de Provence