Ils se sont connus au CSNM de Paris et ont fondé en 2016 leur ensemble, le Trio Pantoum en hommage au titre du deuxième mouvement du Trio de Ravel.
Le pantoum, poème à forme fixe originaire de la Malaisie, fascina les poètes français du XIXème siècle, et l’on ne peut que citer celui de Baudelaire (quoique peu conventionnel), Harmonie du soir dont les vers semblent s’accorder avec l’atmosphère du concert donné à Château-Bas de Mimet lors du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron. Le cadre moins imposant que celui de la conque du parc de Florans offre cependant une intimité particulière et une chaleur propice à l’univers chambriste. Le jeune trio s’y lova avec bonheur débutant par le Trio avec piano n° 32 en la majeur de Haydn en clin d’œil à l’un des premiers prix qu’il a remportés récemment au Concours de musique de chambre Joseph Haydn.
Ce qui frappe d’emblée dans le jeu des trois interprètes, Hugo Meder (violon), Bo-Geun Park (violoncelle) et Kojiro Okada (piano), outre une évidente complicité, est la jeunesse et la sûreté de l’approche des partitions. Les premières mesures soulignent avec une certaine ironie, en une mise en scène de parade, que la dédicataire est une princesse, Maria Anna Esterhazy. La légèreté du ton s’octroie des pauses mutines, esquisse des pas de danse, semble s’abîmer un temps dans une mélancolie douce, puis s’emballe en rythmes qui évoquent turqueries (en pied de nez aux déferlements de l’Empire Ottoman dont le second siège de Vienne en 1683 fut le point de départ de la guerre austro-turque 1683-1699) et airs hongrois. La vivacité de l’Allegro final s’orne d’éclats de rire et achève en un brillant tournoiement et une écriture très syncopée cette pièce très spirituelle.
Trio Pantoum © Pierre Morales
Avec la nuit, le Notturno pour violon, violoncelle et piano en mi bémol majeur opus 148 de Franz Schubert apporte sa finesse, accords arpégés, cassures rythmiques qui sont autant de fêlures de l’âme, ornementations de triolets et doubles croches… Le compositeur est malade, la mort rôde et il est si jeune. Il y a autant de tristesse que de sursauts de joie dans la conversation entre les trois instruments, d’un éloquent lyrisme… C’est cette verve que le Trio Pantoum saisit avec grâce même s’il sait rendre l’élégance d’une fin qui cisèle l’infime jusqu’au silence.
Redécouvrir ses classiques !
S’attaquer au célébrissime Trio avec piano n° 2 en mi bémol majeur opus 100 de Schubert pourrait sembler d’un intérêt relatif, si ce n’est pour les inconditionnels du Barry Lindon de Stanley Kubrick ! Pourtant le Trio Pantoum réussit la prouesse de nous en livrer une lecture neuve. La fantaisie, la poésie, le lyrisme, la nostalgie, le sentiment de révolte, trouvent dans l’ampleur de l’écriture un écrin particulier. Le tempo choisi par le trio, plus rapide que celui adopté communément confère à l’œuvre un nouveau dynamisme. La gravité se voit ainsi doublée d’espièglerie.
Trio Pantoum © Pierre Morales
L’esprit viennois transparaît sous les propos plaintifs, les lignes mélodiques s’irisent de fragilité, le mouvement lent, hypnotique, se teinte d’une subtile distanciation. Le scherzo en canon danse malgré son pessimisme, et si les fragrances de la couleur tragique de l’andante restent sensibles, le finale se mue en fête entraînante et solaire.
En bis le trio proposera bien sûr le Pantoum du trio de Maurice Ravel puis la première Polka de Dvořák : la musique est un art de la joie communicatif grâce à ces trois musiciens qui n’ont pas fini de faire parler d’eux !
Le 6 août Château-Bas, Mimet, Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron