Programme taillé sur mesure pour l’ensemble baroque Café Zimmermann que ce spectacle 100% Vivaldi entrelaçant musiques instrumentales et airs portés par l’étoile montante qu’est le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Dijan
La familiarité de Café Zimmermann avec les Théâtres, – douze années de résidence sont au compteur au Grand Théâtre de Provence et au Jeu de Paume- , permet la pointe d’humour du titre du dernier concert concocté autour de l’œuvre du prêtre roux : « Du nouveau ? Du Vivaldi ? ». En effet, l’ensemble est allé dénicher des pièces moins jouées que les sempiternelles, mais belles, Quatre saisons du compositeur vénitien ! Accomplissant un travail de recherches approfondies, Café Zimmemann, mené par Céline Frisch au clavecin et Pablo Valetti au violon, s’appuie sur les indications de manuscrits encore inédits, pour l’interprétation des pièces instrumentales et présente même deux inédits. « Du nouveau » donc sur instruments anciens et une phalange d’artistes talentueux réunis autour des deux fondateurs, Mauro Lopes Ferreira, David Plantier (violons), Nuria Pujolràs (alto), Petr Skalka (violoncelle), Davide Nava (contrebasse), Shizuko Noiri (luth), Alexandre Zanetta et Felix Polet (cors). On se laissait séduire par la Sinfonia anvanti l’opera Baiazet et sa joie exubérante. Non, rien à voir avec le Bajazet de Racine, le personnage tragique suit le modèle du jeune frère de Mourad IV Revan Fatihi (le « Conquérant d’Erevan ») de la première moitié du XVIIème siècle (afin de ne pas avoir de concurrents pour le trône, il fit assassiner ses deux cadets) tandis que le personnage de l’opéra de Vivaldi est inspiré du sultan ottoman Bayezid Ier qui fut fait prisonnier de guerre par le terrifiant guerrier turco-mongol Tamerlan aux débuts du XIVème siècle. Le Concerto pour deux cors en fa majeur RV 538 offrait à ces deux instruments des passages solistes et des duos d’une rare intensité sur des instruments difficiles (les cors de l’époque de Vivaldi ne connaissaient pas les pistons…).
Le clavecin rejoint le violoncelle en une mélancolie délicate, les cordes font écho aux arpèges des cornistes… L’ensemble coloré des instruments se pare de nouvelles intonations aux côtés de Paul-Antoine Bénos-Dijan dont la voix de haute-contre, déliée et expressive épouse les volutes mélodiques et leurs intentions avec brio. Les graves sont larges, les aigus superbement affirmés. Le jeune chanteur joue quasiment « à la maison », sa première formation s’est déroulée à Montpellier et il a déjà été applaudi au Jeu de Paume dans le rôle d’Ottone (Incoronazione di Poppea de Monteverdi lors de l’édition 2022 du Festival d’Aix-en-Provence). Il plie ses modulations aux acrobaties et appoggiatures en tout genre que réclame l’air du temps baroque. Cependant jamais les ornementations ne semblent inutiles, elles servent le propos, se fondent dans la ligne mélodique en nécessaires évidences. En bis, il donnera la réplique au cor solo tenu par Alexandre Zanetta, les deux musiciens rivalisent avec aisance, osent des variations nouvelles en une mutine musicalité que suit un auditoire fasciné.
Café Zimmermann © Jean-Baptiste Millot
On ne retiendra pas les quelques maladresses des cordes lors des passages les plus virtuoses, les partitions de Vivaldi sont loin d’être simples, le compositeur violoniste virtuose composait à l’aune de ses capacités. Mais la vivacité de l’ensemble, sa verve, son intelligence des textes, son harmonie générale, sa curiosité qui le pousse à sans cesse aborder des registres nouveaux, en font l’un des plus intéressants et attachants du moment.
Le 23 novembre, Jeu de Paume