« We’re back ! » lance l’amphitryon de Clowns « hip hip hip hooray! ». La grande scène du GTP exulte, le génial chorégraphe Hofesh Shechter est de retour !
Double Murder réunit en une même soirée Clowns, créé en 2016 pour le Nederlands Dans Theater et The Fix, nouvel opus du chorégraphe, sorte de réponse à la première pièce. Les dix danseurs incarnent avec humour et une gestuelle très fluide (qui n’est pas sans faire penser à la danse gaga de l’homologue israélien d’Hofesh Shechter, Ohad Naharin) le questionnement incisif de notre quotidien et de notre rapport à la banalisation des faits maintes fois réitérés sur nos écrans et les journaux.
La violence, lorsqu’elle devient objet de répétition quasi mécanique, perd sa force d’effroi et de sidération. La puissance cathartique de sa représentation est alors annihilée, on assiste à la fin de l’essence de la tragédie par son inlassable réédition. Subsiste alors la gestuelle qui devient vocabulaire de danse au même titre que les pas collationnés dans un parcours qui nous fait faire le tour du monde, depuis le folklore sautillant des Balkans aux danses africaines tribales, les élans contemporains, les réminiscences du classique… l’espace prend un relief nouveau, sculpté par les danseurs qui cisèlent les détails. Le loufoque, le rire, la légèreté, dominent cependant malgré l’accumulation pléthorique des assassinats dans une scénographie esthétisée à renfort de fumées, d’ombres, d’effets de lumières qui laissent les corps dansants en silhouettes, les font émerger de l’ombre, d’abord sur le surprenant Can Can d’Offenbach puis sur la musique martelée et dynamique de Shin Joong Hyun, The Sun, qui complètent la création musicale d’Hofesh Shechter, dont le caractère envoûtant vient trancher avec le cauchemar du propos.
Double murder, Clowns, de Hofesh Shechter © Todd Mac Donald
The Fix « répare » tout cela par sa simplicité, son évidence, sa volonté de créer du lien ; les artistes iront même dans la salle à la rencontre des spectateurs, les salueront avec chaleur. La fougue de la première partie n’est pas éteinte, mais cherche ici l’autre, l’harmonie, la douceur, redessine une humanité qui retrouve un équilibre et une empathie heureuse. Vibrations positives dont les peuples manquent cruellement aujourd’hui…
Spectacle donné les 6 & 7 octobre au Grand théâtre de Provence, Aix-en-Provence