Une vague musicale déferle sur Six-Fours ! 

Une vague musicale déferle sur Six-Fours ! 

Grâce à son époustouflante programmation, la Vague Classique fait entrer Six-Fours-Les-Plages dans le cercle très fermé des festivals internationaux.

Le jeune pianiste russe, Alexander Malofeev, venait ainsi en soliste avec un ensemble de pièces oniriques dont la fluide interprétation s’accordait au cadre du parc de la Maison du Cygne. Le célébrissime Clair de lune de Beethoven ouvrait la soirée. Le premier mouvement et sa mélodie au dessin en épure délicatement posée sur le phrasé ostinato de la main gauche prend des allures de méditation poétique. La jeunesse du pianiste ajoute à une technique virtuose la sensation de fragilité d’une âme qui s’adresse au monde, ourle les ombres de la 2ème Sonate op. 35 dite Funèbre de Chopin d’une palette aux nuances infinies, prolongées comme en écho par le  Prélude en ut dièse mineur et le Nocturne en ré bémol majeur pour la main gauche de Scriabine, dont la mystique trouve ici une bouleversante intériorité.

Alexander Malofeev aux Nuits du Cygne (Six-Fours-Les-Plages)

Alexander Malofeev © Nuits du Cygne

Y répondent des pièces de Rachmaninov, équilibre funambulesque entre rigueur et expression avant la théâtrale Paraphrase de concert sur l’ouverture de Tannhäuser de Liszt qui transcende le manichéisme en une fusion entre scintillements tentateurs et ligne dépouillée de la pureté… Le dernier bis offert à un public subjugué l’emportait dans l’énergie mécanique et espiègle de la Toccata de Prokofiev.

Éblouissements que prolongeait le duo composé par la subtile harpiste Anaïs Gaudemard, sans doute l’une des plus brillantes de sa génération, et la flûtiste Mathilde Calderini. Avec finesse, les deux jeunes artistes conviaient à un voyage dans le temps et la géographie : on s’arqueboute à l’incontournable socle qu’est Jean-Sébastien Bach, puis l’on s’embarque avec Debussy, on s’égare avec Saint-Saëns, on danse avec Bartok, on s’émeut avec la Danse des Esprits bienheureux de Gluck (le rappel familier de Nelson Freire), avant que Piazzola ne nous raconte l’Histoire du tango. La précision, le sens aigu des nuances, de la mélodie, des registres, des paysages, des variations de tempi, étaient exaltés par les personnalités lumineuses des interprètes. Délectations de gourmets !

Mathilde Calderini et Anaïs Gaudemard aux Nuits du Cygne

Mathilde Calderini et Anaïs Gaudemard © Nuits du Cygne

Concerts donnés à la Maison du Cygne, Six-Fours-Les-Plages les 8 et 10 juin

Côté cour, côté cœur

Lorsque la harpe rencontre la flûte, que se disent-elles ?

Elles jouent bien sûr !

Les festivals s’annoncent, les programmes longuement concoctés livrent les secrets de leurs soirées. Les présentations se succèdent, cherchent à donner un avant-goût aux possibles publics. Il y a tant de spectacles sur la région ! Difficile d’effectuer un choix ! Le tout jeune festival Côté Cour organise (déjà !) grâce à ses fondateurs, les musiciens Marie Laforge (flûte traversière) et Léo Doumène (harpe), sa troisième édition, investissant le territoire aixois de Pertuis à Puyricard en passant par Venelles et Aix-en-Provence. 

Ces deux passionnés offraient en guise d’introduction aux délices chambristes de l’été un duo harpe et flûte évoluant sur « le fil rouge de la danse ». Comme une évidence le concert débute par une sonate de Jean-Sébastien Bach. « Avec lui s’achève la période baroque et commence la musique classique », sourit Léo Doumène qui présente avec finesse chaque pièce, précisant les transpositions : la Sonate pour traverso et clavecin devient pour flûte traversière et harpe, déclinant les élans mesurés de la Sicilienne dont le rythme ternaire n’est pas sans évoquer la valse (la célébrissime Valse du Parrain de Nino Rota est une Sicilienne). Les phrasés souples de la flûte se posent sur les fantaisies élégantes de la harpe. Le jeu fluide des deux complices s’accorde sur la danse populaire de la Suite en duo de Jean Cras (ce marin inventeur de la « règle Cras » et musicien), mime un orchestre traditionnel, s’orientalise, épouse les mouvements de l’eau, converse avec une spirituelle légèreté avant de traverser l’océan pour redécouvrir le Nuevo Tango de Piazzolla, plonger dans l’atmosphère embrumée des cafés de Buenos Aires avec des extraits de L’Histoire du Tango du compositeur argentin, esquisser quelques pas de danse, évoquer les origines de cette danse emblématique par le superbe Bordel 1900 qui décrit le tango dans les maisons closes du début du XXème où il est né avec ses mélodies provocantes, sa vivacité, ses rythmes ostinato à la harpe qui se transforme en instrument percussif.

Duo Léo Doumène, harpiste, Marie Laforge, flûtiste

Léo Doumène et Marie Laforge © DR 

Auparavant, le duo avait interprété Café 1930 (deuxième mouvement de cette œuvre), plus à écouter qu’à danser, déployant arpèges et ornementations à la harpe (transposition de la guitare) sur les expressives modulations de la flûte. L’inventivité éloquente d’Entr’acte de Jacques Ibert venait clore ce moment musical, prélude à un été qui s’annonce particulièrement riche et comptera une création, mondiale par essence, du compositeur Apparailly pour le Trio Moïra, (Marie Laforge, Léo Doumène et Raphaël Pagnon, alto).

Concert donné le 19 mai, salle des mariages, Mairie d’Aix-en-Provence en amont du Festival Côté Cour (2 au 6 août)

Voix de femmes, voix du monde…

Voix de femmes, voix du monde…

On pourrait commencer par le dernier ouvrage de Jean Darot, L’enfant don, tout juste sorti des presses pour les éditions Passiflore, une histoire très poétique et humaine composée à partir d’observations ethnographiques dans les Pyrénées menées par Isaure Gratacos (Femmes pyrénéennes, un statut social exceptionnel en Europe, éditions Privat) qui ajoute au livre une passionnante postface où elle expose les principes d’un « vivre sociétal précurseur qui ignorait les différences de genre en une anticipation bimillénaire sur les sociétés contemporaines » (déjà le géographe et historien grec, Strabon (60 av. J.-C., @ 20 ap. J.-C.) notait leur gestion proche d’une « autodétermination collective »).

Jean Darot s’empare de la description étonnante dans les sociétés patriarcales européennes du fonctionnement particulier de la société montagnarde de quelques vallées où le droit d’aînesse, mais sans distinction de sexe, permet de préserver les « maisons-souche » qui forment la base de la vie communautaire, avec des réunions des chefs (hommes ou femmes, les aînés) de famille. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas le droit de se marier entre eux afin de préserver la pérennité de cette structure, et ne peuvent épouser que des cadets. Le récit débute à l’été 1938, sur une scène de retour : Adam, l’enfant, revient de la guerre d’Espagne. Une série d’analepses reconstitue son histoire, celle de ses parents, les biologiques et ceux qui l’ont reçu en don. Langue en épure pour une narration bouleversante d’humanité, de partage, d’empathie… le texte déroule ses orbes avec la simplicité de l’évidence, il n’est pas d’héroïsation, d’états d’âme vains, juste une réponse humaine à la douleur. Seuvia, fille aînée, tête d’une maison-souche, décide avec son époux de porter un enfant afin de remédier à la détresse d’un couple-ami qui ne peut concevoir. Cette profondeur d’émotion, cette logique de survivance se retrouvait, portée par le même style, charnel, ancré dans la réalité des choses, (écho de certains textes de Jean Giono) dans L’homme semence publié par les éditions Parole en 2006.

L'enfant don, Jean Darot

L’Homme Semence

L’Homme Semence recèle le témoignage de Violette Ailhaud, née en 1835et morte en 1925 au Saule mort, hameau du village du Poil dans les Basses Alpes (aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence). Une enveloppe de sa succession ne pouvait être ouverte par le notaire avant l’été 1952 et uniquement par l’aîné des descendants de Violette, et de sexe féminin, ayant entre quinze et trente ans. Une certaine Yveline âgée de vingt-quatre ans aurait alors hérité de l’enveloppe et du texte qu’elle contenait, et l’aurait confié aux éditions Parole en 2006, maison dirigée alors par Jean Darot, son fondateur.

Le livre a un tel succès que de nombreuses troupes de théâtre vont s’en emparer, qu’il sera adapté dans le film Le Semeur, (sorti le 27 septembre 2017) réalisé par Marine Francen, et sera traduit dans de nombreuses langues (on peut souligner celle en anglais par Nancy Huston). Le sujet est aussi lié à l’Histoire : le coup d’état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte déclenche la révolte de nombreux républicains et des soulèvements jusque dans les campagnes où s’exercera une violente répression, les hommes sont tués, emprisonnés, déportés (la plupart en Algérie). Nombreux sont les villages où les femmes restent seules. Dans le village de Violette, les femmes font un pacte : le prochain homme qui viendra sera leur mari à toutes afin que le cycle de la vie continue… ce sera « l’homme-semence ».

L’histoire, puissante, poignante, est aussi étudiée au lycée. Le 17 mai dernier, la classe de terminale spécialité Histoire des Arts de Madame « K » (Madame Kmieckowiak) recevait au lycée international de Luynes la comédienne et musicienne Kimsar pour son adaptation de L’Homme Semence. Au rythme foisonnant des phrases qui épousent avec souplesse les diverses tonalités de la narration, se greffe l’imaginaire musical de Kimsar. Les sons accordent leurs prolongements aux mots, leur offrent un écrin subtil, offrent leur langage, commentent, ajoutent, amplifient, ironisent parfois, espiègles, se refusent à la paraphrase, mais nimbent l’univers poétique de leur palette variée, guitare rêveuse, percussions haletantes, tempo de slam, lyrisme emporté, ton du guide local… On se laisse porter par un texte que l’on a déjà lu maintes fois, on le redécouvre, avec une saveur nouvelle, bouleversante.

Kimsar interprète L'Homme Semence de Jean Darot

Kimsar joue L’homme semence © DR

Il s’écoule plus de deux ans avant qu’un homme n’apparaisse au village de Violette : « ça vient du fond de la vallée. Bien avant que ça passe le gué de la rivière, que l’ombre tranche, en un long clin d’œil, le brillant de l’eau entre les Iscles, nous savons que c’est un homme. Nos corps vides de femmes sans mari se sont mis à résonner d’une façon qui ne trompe pas. Nos bras fatigués s’arrêtent tous ensemble d’amonteiller le foin. Nous nous regardons et chacune se souvient du serment. Nos mains s’empoignent et nos doigts se serrent à en craquer les jointures : notre rêve est en marche, glaçant d’effroi et brûlant de désir. »

Les questions intelligentes et sensibles des élèves rendent grâce à cette interprétation, sa construction fine, sans cesse en équilibre loin de tout pathos de pacotille.

Revendication de paternité

Violette Ailhaud, quelle auteure ! et pourtant, elle aussi est une élaboration romanesque due à son éditeur, Jean Darot, qui explique : « comme je venais d’éditer son « petit frère », L’enfant don, j’ai, à dix-huit ans d’écart, décidé de reconnaître ma « paternité ou maternité ». J’ai choisi le prénom Violette parce que ce n’est pas un nom chrétien, il n’appartient pas à la religion qui a tant accablé les républicains de 185, et le nom Ailhaud est emprunté à André Ailhaud (dit Ailhaud de Volx, 1799-1854) qui fut le chef des républicains du département des Basses-Alpes, qui est le département qui s’est le plus soulevé pour le maintien de la République, il participa à la prise de la préfecture de Digne le 6 décembre et commanda les troupes républicaines qui firent battre en retraite l’armée bonapartiste le 9 décembre lors de la bataille des Mées. Il sera déporté à Cayenne où il mourra du scorbut.

L'Homme Semence de Jean Darot aux éditions Parole

Pourquoi ce livre et pourquoi sous pseudonyme ? J’avais plusieurs collections dans ma maison d’édition Parole, un jour, j’ai reçu un texte qui a fait naître la collection « Main de femmes ». Mais je ne recevais rien d’autre qui puisse entrer dans cette collection, et avec un seul livre, ce n’est plus vraiment une collection ! Alors j’ai écrit moi-même un texte. Il fallait qu’il soit signé par une femme, c’est ainsi qu’est née Violette Ailhaud » …

L’Homme Semence a été joué par Kimsar au Lycée international de Luynes le 17 mars

Sans cesse se tisse le fil d’Ariane

Sans cesse se tisse le fil d’Ariane

J’avais vu ce spectacle en octobre 2022, il est redonné au théâtre de La Criée de Marseille. Moment souvenir…

Angelin Preljocaj se plaît au cours de ses explorations chorégraphiques à revisiter les contes et les mythes et à les passer à la moulinette de la philosophie et de notre contemporanéité. Se mêle ainsi à ses créations l’interrogation sur ce qui constitue les rituels de notre temps. Son nouvel opus, Mythologies, créé pour vingt danseurs du Ballet Preljocaj et du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, revisite un florilège de mythes issus pour la plupart de l’humus grec, mais n’hésite pas à traverser l’Atlantique pour évoquer les Mayas et leurs sacrifices sanglants, préfiguration de l’évocation de l’actuelle guerre en Ukraine dont les images défilent par bribes déchirées en fond de scène. 

Sur ce même écran, les visages filmés en gros plan de chaque danseur par Nicolas Clauss, ancrent davantage le propos dans le présent et insistent sur le caractère puissamment incarné des récits. D’emblée on est séduit par les mouvements d’ensemble de l’ouverture, ses géométries magnifiquement réglées, sa statuaire qui s’anime, nimbée de lumières qui sculptent les corps. Une vingtaine de saynètes se succèdent, livrant un échantillonnage souvent éblouissant du savoir-faire du chorégraphe.

Mythologies d'Angelin Preljocaj

Mythologies d’Angelin Preljocaj © Olivier Houeix

Le traitement de certaines figures mythologiques ourle de sa poésie inventive ces tableaux vivants, Icare déploie ses ailes au-dessus de personnages emprisonnés dans leurs cages un peu kitch, les arcs des Amazones apportent de nouvelles sonorités, les nuances moirées de la scène des Naïades, les costumes translucides d’Eden, le travail des bras, subtilement élégant, onirique à souhait dans le somptueux Final. 

On s’attardera sur la beauté du premier pas de deux (Duo) avant de plonger dans les horreurs immémoriales, violence des sexes, que ce soit dans Catch ou dans la scène du Minotaure avec un viol d’Ariane fuyant à travers une forêt mouvante. Tout y est trouble, on ne sait si ces agressions ne participent pas aussi d’une complaisance sado-maso qui s’enlise dans les replis obscurs. 

Mythologies d'Angelin Preljocaj © Jean-Claude Carbonne

Mythologies d’Angelin Preljocaj © Jean-Claude Carbonne

Autre personnage essentiel de l’œuvre, la musique signée Thomas Bangalter offre une partition poétique aux multiples registres. Pas d’acmé finale, mais un épilogue sombre, où les vivants s’emparent des draps recouvrant les mourants pour s’en revêtir tels d’amples capes symbolisant peut-être une passation des histoires et des mythes qu’elles véhiculent.  

Mythologies a été donné au GTP, Aix-en-Provence du 5 au 8 octobre

Ébène par trois

Ébène par trois

Le trio ? Vous en êtes certains ? Mais c’est le Quatuor Ébène ! Bien sûr, ce quatuor fondé en 1999 par le violoniste Pierre Colombet connaît des succès planétaires, mais cette formation sait parfois se restreindre en nombre pour aborder d’autres répertoires. Salon accueillait donc le Trio Ébène, dans le cadre des concerts égrenés tout au long de l’année en attendant le point fort de l’été par le Festival international de musique de chambre de Salon-de-Provence. 

Aux côtés de Pierre Colombet, le violoncelle de Raphaël Merlin et le piano d’Akiko Yamamoto (formée entre autres par Éric Le Sage) interprétaient dans l’écrin du théâtre Armand deux œuvres exigeantes, le Trio en la mineur de Maurice Ravel et le Trio pour piano et cordes n° 1 en si majeur opus 8 de Johannes Brahms. L’histoire du Trio de Ravel est marquée par les débuts de la première guerre mondiale : commencé avant la déclaration des hostilités, le 3 avril 1914, il sera achevé en août de la même année à Saint-Jean-de-Luz (le compositeur est mis à distance du conflit dans un premier temps, car exempté du service militaire en raison de sa constitution fragile et de sa petite taille). La composition rapide de l’œuvre est due à sa lente gestation (il mûrissait déjà l’idée de cette pièce en 1908), mais la tonalité est profondément liée au contexte tragique des affrontements qui déchirent alors le monde. Ravel écrivit à ce propos : « j’ai traité (mon Trio) en œuvre posthume. Cela ne veut pas dire que j’y ai prodigué le génie mais bien que l’ordre de mon manuscrit et les notes qui s’y rapportent permettraient à tout autre d’en corriger les épreuves ». 

La forme classique de la sonate en quatre mouvements offre une charpente sans doute rassurante pour le musicien qui y greffe ses références personnelles. L’ancien zortziko basque (littéralement « le huit », poème traditionnel largement représenté dans les joutes oratoires ou deux « bertsolari » (poètes) improvisent leurs vers avec un sens aigu de la répartie, ou danse mesurée à cinq temps) anime le premier mouvement, Modéré, tandis que le deuxième mouvement, le scherzo, est composé sur la forme du pantoum (cette forme poétique d’origine malaise que l’on retrouve dans Harmonie de soir de Baudelaire). « On sait que dans ce genre de poème, disait Ravel, deux sens formant contraste doivent se poursuivre du commencement à la fin »… Une basse obstinée anime la danse ancienne qu’est la Passacaille avant l’éclosion orchestrale du Final, embrasement virtuose où les musiciens s’emportent en trilles, phrases arpégées, qui placent ce trio parmi les plus beaux jamais écrits. (Il a inspiré aussi les cinéastes, le premier mouvement a été utilisé par Claude Sautet dans Un cœur en hiver et le troisième par Alejandro González Iñárritu pour Birdman).

Trio d'Ebène en concert au théâtre Armand de Salon-de-Provence

Trio d’Ebène © DR

Johannes Brahms écrivit son Trio pour piano et cordes n° 1 en si majeur opus 8 durant l’hiver 1853-1854, il a alors une vingtaine d’années. Mais les doutes l’assaillent quant à la qualité de l’œuvre, il va la récrire, la retravailler, presque quarante ans après sa composition ! « Je n’ai pas coiffé de Trio d’une perruque, je me suis contenté de le peigner et d’arranger légèrement ses cheveux », expliqua-t-il à son ami, maître de chœur, Julius Grimm. Le regard du musicien au sommet de son art se pose ainsi sur le travail de sa jeunesse, resserre les envolées, change certains thèmes, conserve les souples envolées lyriques, rend plus poignantes les mélodies que le violoncelle étreint, déplace la tonalité majeure du début en un poétique mineur. Les instrumentistes offrent ici toute la palette des émotions, transfigurent la partition en or vivant. Le bis ardemment réclamé offrira un passage de Ravel (deuxième mouvement du Trio) le maître des inventions. Escale sublime en attendant l’été.

Trio d’Ébène a donné ce concert le 16 mai au théâtre Armand, à Salon-de-Provence.