Coqueluche de La Roque d’Anthéron depuis 2022 à la suite de son premier prix au 18ème concours international Frédéric Chopin de Varsovie 2021, Bruce Liu était très attendu ce 12 août sous la conque du Parc de Florans.

Pas « LE » Fazioli cette année, le piano sur lequel il avait remporté le concours Chopin et que l’accordeur Denijs de Winter avait fait venir spécialement pour lui à La Roque ! 

Est-ce la magie de cet instrument fétiche qui a manqué ? (remplacé quand même par un très beau Steinway !)
Pour commencer, la pièce symphonique, l’Ouverture de Coriolan de Beethoven, fut interprétée par le Sinfonia Varsovia qui fête cette année son quarantième anniversaire, sous la houlette du violoniste et chef Gordan Nokolić. Sans doute le « retour aux sources » était la thématique de la soirée (furent joués ensuite les Concertos pour piano 2 et 3 du compositeur), et devenait alors évident le choix d’une œuvre à l’inspiration « classique », puisqu’elle narre l’histoire du général romain Coriolan qui menaça Rome en s’alliant avec les Volsques qu’il avait autrefois combattus, et qui se suicida, résigné à la reddition devant les larmes de sa famille.
Détermination, prières, hésitations, sacrifice, l’Ouverture de Coriolan passe par tous les registres narratifs entre la révolte et l’appel au devoir, l’orchestre y éprouve sa puissance, sa capacité aux phrasés abrupts, et aux digressions veloutées.

Gordan Nokolić et le Sinfonia Varsovia, La Roque d'Anthéron © Valentine Chauvin

Gordan Nokolić et le Sinfonia Varsovia, La Roque d’Anthéron © Valentine Chauvin

Une histoire de Beethoven

La succession des deux concertos beethovéniens le deuxième et le troisième permettait de suivre l’évolution du travail du compositeur. Le premier, Concerto n° 2 en si bémol majeur (et réellement premier dans l’ordre des compositions de Beethoven, mais si remanié par son auteur qu’il obtint la deuxième place dans la nomenclature des classements !) très mozartien, était très sage, avec un orchestre équilibré dirigé de l’archet par Gordan Nokolić.

Le piano de Bruce Liu accordait à son jeu une décontraction de dandy, élégant, subtil, se révélant dans une approche très personnelle des cadences (Beethoven n’a pas laissé de trace des cadences originales, ayant l’habitude de les improviser lors des concerts). Les cigales venaient compléter cette plongée dans les prémices de l’œuvre du dernier grand représentant du classicisme viennois.
Le Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ut mineur (l’unique concerto de Beethoven composé dans ce mode) apportait une nouvelle intensité à la soirée. La composition se détache de l’emprise mozartienne pour une inspiration plus personnelle et des traits qui seront bientôt les marques distinctives de la musique de Beethoven. La virtuosité entre comme principe de composition et installe les variations dramaturgiques. Les passages brillants du piano nous rappellent quel fantastique instrumentiste fut Beethoven qui offre au soliste une partition qui dialogue avec l’orchestre, instaurant une dynamique à la fois concise et rythmée. Certes, il y a encore des sonorités qui évoquent Mozart et c’est très beau. Une nouvelle liberté se dessine et le piano renoue avec des élans qui préfigurent le romantisme.

Bruce Liu et le Sinfonia Varsovia, La Roque d'Anthéron © Valentine Chauvin

Bruce Liu et le Sinfonia Varsovia, La Roque d’Anthéron © Valentine Chauvin

Surprises aux bis !

Bien sûr, on attendait aussi d’écouter le pianiste seul ! Il offrit parmi les 12 Romances  de Rachmaninov la n° 7, aérienne et poétique. Puis, avec humour commença la célébrissime et ressassée Lettre à Élise de Beethoven mais dans l’arrangement ragtime de Uslan. Un condensé de joie, d’espièglerie et de virtuosité pure. Un petit bonheur !!!

 Le 12 août, Parc de Florans, La Roque d’Anthéron