Le dernier projet du pianiste Jean-Marie Machado, traduit sous la forme d’un album titré Como as Flores, donnait lieu à un concert au théâtre de Fontblanche à Vitrolles, à l’invitation de l’association Charlie Free.
Autour du poète du piano, le percussionniste Zé Luis Nascimento et le contrebassiste Claude Tchamitchian apportaient la finesse et l’inventivité de leur jeu. Puissance, élégance, onirisme, liberté, les termes ne manquent pas pour qualifier les trois musiciens dont le dialogue déploie sa grâce tout au long du concert.
Les morceaux ne suivent pas l’ordre de l’album, mais s’organisent selon l’inspiration du moment. Pendant que Zé Luis Nascimento noue une ceinture de clochettes autour de sa cuisse, Jean-Marie Machado essuie ses lunettes : « je profite de ce temps pour nettoyer mes lunettes, même si elles ne me serviront pas puisque que je joue sans partition ! » ironise-t-il.
Les premières notes du piano nous font entrer dans le recueil poétique des pièces de Como as Flores, où percussions et contrebasse rejoignent les rêveries pianistiques avec un égal bonheur. Tout commence par un hommage au fado, De memorias e de saudade, ondes nostalgiques qui s’emballent dans les rythmes de la Valsa ouriço avant de se lancer dans une « suite-impro » Our tears never cried, inspirée par Christian Bobin, qui écrivait dans Le Murmure : « Peut-être que quand on pleure et qu’on sait pourquoi, ce ne sont pas encore des larmes. Les vraies larmes sont sans raison. Inconnues. » Les poètes sont des compagnons de route, leurs mots nourrissent les compositions. On ne peut s’empêcher de penser aux Cantos Brujos que Jean-Marie Machado composa pour la danseuse Ana Pérez, en écho à L’Amour sorcier de Manuel de Falla sur le livret de Gregorio Martínez Sierra lorsqu’il nous présente son Romantic spell, « très efficace en slow pour conquérir l’être aimé » (dixit !) …
Machado Novo Trio © Cecil Mathieu
L’ombre de Fernando Pessoa plane sur Transvida, un concertino pour batterie, piano et contrebasse. Cette dernière explore avec virtuosité toutes les possibilités de ses cordes, allant sur le fil, puis revenant à un son large et velouté. Les êtres aussi inspirent : Piuma est dédié à Carmen de Haro, l’âme de La Buissonne, et Romantic Spell à « la » Catherine de Jean-Marie Machado…Pas de concert de jazz sans un clin d’œil aux géants, Nardis, « un standard connu de tous et de toutes » convoque la silhouette du compositeur et trompettiste Miles Davis (la contrebasse prend alors d’incroyables sonorités d’instrument à vent). On est séduit par Perdido en clareza ou Le voleur de fleurs où la batterie porte la « mélodie » sur les ostinatos du piano et de la contrebasse. C’est là aussi que réside la profonde originalité de ce trio : s’il semble « classique » par l’assemblage de ses instruments, leur fonction ne suit pas les « normes » : chacun endosse la voix première ou les ornementations, les contrepoints, les battements rythmiques. Une réelle liberté les unit. Les solos de bravoure ne sont pas là juste pour montrer l’habileté de chaque musicien, mais servent avec intelligence le propos de chaque page du concert.
En bis L’endormi, tout de délicatesse, est présenté avec humour, mais un ultime morceau sera proposé « en création mondiale de tout l’univers », un « poème éternel ». Rêves de sables en nappes sonores sur lesquelles les lignes mélodiques s’irisent, élans exacerbés, houles étonnées, le poème symphonique se déploie, lyrique, bouleversant de beauté.
Concert donné le 28 novembre 2025 au théâtre de Fontblanche, Vitrolles.
Album Como as Flores, Jean-Marie Machado (piano, compositions), Claude Tchamitchian (contrebasse), Zé Luis Nascimento (drums, percussions), Label La Buissonne
Machado Novo Trio à Vitrolles novembre 2025 © M.C.

