Quelle belle entrée en matière pour la seizième édition du Festival Mus’iterranée, cet évènement qui annonce le printemps organisé avec une constante passion par Magali Villeret !
Mus’iterranée nous embraque en un long voyage autour de la planète à la découverte des musiques d’Amérique du Sud, des pourtours de la Méditerranée, des univers slaves, de l’Espagne, de Cuba, du Congo… aucune frontière ne peut arrêter la musique et les passions qu’elle suscite.
C’est par le choro, cette forme musicale populaire du Brésil, la « grand-mère de toutes les autres musiques brésiliennes » expliquait Cristiano Nascimento, que s’ouvrait le festival.
Trois complices virtuoses se retrouvent en scène, à la mandoline, Claire Luzi, à la guitare à sept cordes, Cristiano Nascimento et au pandeiro, Ikaro Kai Mello.
« En scène » est une expression inadéquate pour évoquer ce grand moment de musique, évitons aussi le terme « concert » ! Cristiano Nascimento, lors de sa présentation des morceaux, insiste : « il ne s’agit pas ce soir d’un concert. C’est une forme qui convient à de nombreux spectacles, mais ici je préfère parler d’un bal. La musique n’a pas ici de hiérarchie entre les exécutants et les auditeurs. Il y a une circulation entre les musiciens et les danseurs ou ceux qui, certes assis, ont les yeux et les visages qui dansent.
La Roda © M.C.
La musique est un réel partage, chacun est acteur de ce qui se passe. C’est une communion humaine qui me touche : elle accorde une immense liberté aux instrumentistes qui ne se sentent pas obligés à l’exploit. La virtuosité devient alors naturelle. »
Le premier opus est d’ailleurs un Chorinho de gafieira emprunté au répertoire traditionnel des bals de gafieira nés dans les années 1930-1940 à Rio (le terme « gafieira viendrait du mot français « gaffe » utilisé par la « bonne société » brésilienne pour qualifier les maladresses des danses populaires !). Les noms des grands compositeurs et interprètes qui jalonnent l’imposante histoire du Choro qui comprend aussi les Scottishs, les Mazurkas, les Polkas, les Valses, toutes les danses européennes fusionnées avec les percussions venues d’Afrique (conjugaison fascinante entre les traditions culturelles des colonisateurs et des esclaves déportés aux Amériques). Voici Marco César, maître génial qui a dirigé durant trente ans le département des cordes du Conservatoire de Recife et a élaboré une méthode unique de formation aux musiques populaires.
On découvre Chiquinha Gonzaga (1847-1935), compositrice, pianiste, première femme chef d’orchestre du Brésil, première pianiste de choro et autrice de la première Marchinha de carnaval (Ó Abre Alas, 1899 pour le cordon de carnaval (type d’associations récréatives qui ont précédé les écoles de Samba) Rosa de Ouro). Avant de le rencontrer lors de la prochaine deuxième édition du Festival international de Choro d’Aix-en-Provence qui se tiendra du 14 au 20 avril, on écoute des morceaux d’Abel Luiz, joueur de cavaquinho, mandoline, violão tenor, qui, après avoir baigné dans l’univers du choro avec son grand-père, est une figure incontournable de la scène musicale, (compositeur, arrangeur, directeur musical), puis de Pedro Aragão, fantastique guitariste et membre du Quatuor Maogani de Violões.

Chiquinha Gonzaga © X-D.R.
Se disent les amours, les rencontres, les conditions de travail, les rêves, les difficultés d’une vie gagnée chichement, les exodes imposés par les guerres et les famines… Les régions du Brésil accordent leurs couleurs et leurs rythmes aux diverses pièces, choro, matchiche (tango brésilien), ici, ce sera le nord-est, là, les zones côtières. Quel que soit le thème, la musique emporte tout dans son flux inventif aux ornementations délicates (sublime mandoline de Claire Luzi !), aux accords d’une folle complexité et énoncés avec l’évidence de la simplicité par les sept cordes de la guitare et aux rythmes impossibles du pandeiro qui sonne comme un ensemble percussif aux multiples nuances.
La mandoliniste quittera parfois son instrument pour un mélodica ou un triangle, afin d’interpréter ses propres compositions, chants lumineux jusque dans les désespoirs, conjuguant les « petits riens » qui composent le bonheur.
Après les rappels, la fête n’est pas encore terminée, deux musiciens se joignent au trio qui s’est installé au milieu de la pièce en demi-cercle : les flûtes traversières glissent leurs mélodies. Enchantements sous les merveilleuses photographies en noir et blanc de l’exposition Choromaton d’Olivier Lob qui a su saisir les expressions de la palette de musiciens de choro rencontrés au Brésil et tous les musiciens de la première édition du Festival de Choro d’Aix.
Concert donné le 20 mars à la Bastide Granet
Festival Mus’iterranée du 20 mars au 6 avril
Choromaton à la Bastide Granet dans le cadre du Festival Mus’iterranée du 20 mars au 6 avril puis au Bistrot La Manufacture du 14 au 19 avril / Vernissage le 14 avril à 19h
Choromaton, portrait d’Abel Luiz © Olivier Lob

Pedro Aragao © X-D.R.