Le festival de jazz de Gréoux-les-Bains célèbre son neuvième anniversaire déclinant comme de coutume un florilège précieux de l’histoire du jazz

Les divers courants du jazz se rencontrent assurément à Gréoux-les-Bains, grâce à la pertinence des programmations de Patrick Bourcelot, directeur artistique du festival de jazz qui ouvre la rentrée des saisons nouvelles. Entre autres ensembles, on pouvait y entendre l’Orchestre Syncopatique venu de Montpellier.

Ce quintette aux instruments que ne renierait aucune fanfare (les interprètes sont familiers des déambulations de rues), trompette (Benjamin Faconnier), clarinette (Pierre Bayse), tuba (Olivier Bour), instaure de joyeux dialogues entre le piano de Joseph Vu Van et la batterie de Simon Laurent. Leurs costumes rouges et or dignes des parades les plus rutilantes s’accordaient à la fête sonore qui transporta l’auditoire du Centre de Congrès l’Etoile. L’ouverture par Make Me a Pallet on the Floor, ce standard du « blues/jazz/folk » de la fin du XIXème donnait le ton, suivi par un New Orleans qui mêlait rythmes cubains et jazzy pour un Mardi Gras déjanté le refrain « When I get in New Orleans » donne envie de se lever et de danser ! Les instrumentistes au fil des morceaux offrent des solos de rêve.

Orchestre Syncopathique à Gréoux-Les-Bains, festival de Jazz

L’Orchestre Syncopatique © Patrick Bourcelot

On se délecte de confitures aux mesures syncopées (on est « syncopatique » ou pas !) on flirte avec les doubles sens espiègles que le tuba souligne par des clausules ironiques, on se joue des codes, on relate des conversations mutines, on s’immisce dans le Carnaval, on reprend Iko Iko, cette chanson de la Nouvelle-Orléans qui raconte la confrontation des parades de deux tribus d’Indiens de Mardi Gras (la légende de l’enregistrement en 1965 par The Dixie Cups dit que la version fut lancée par les chanteuses a capella avec des percussions jouées sur les cendriers du studio). Bien sûr la bluette n’est jamais trop loin et You’re my sunshine répond à celle qui ne veut pas gâter son « gelly roll » tandis qu’un « sweet hart » tisse ses guimauves sirupeuses que contredisent des rythmes malicieusement opposés. Le kaléidoscope rondement mené de musiques d’une même époque en brosse le portrait, tout du moins son esprit. La New Orleans des débuts du XXème renaît dans l’effervescence musicale qui allait nourrir le foisonnement des formes du jazz.

Lady Day

C’est une Billie Holiday espiègle et heureuse que la chanteuse, Nicolle Rochelle (que l’on a déjà applaudie cette année au Blues Roots Festival aux côtés de Julien Brunetaud, décidément, elle sait s’adapter à tous les répertoires !), interpréta avec un sens du phrasé, des modulations, des accentuations, des expressions qui faisaient revivre la grande Lady Day (ainsi l’avait surnommée son ami, le saxophoniste Lester Young dont est repris The man I love) des débuts. « C’est une partie de son parcours que l’on occulte trop souvent, sourit l’artiste, et c’est à ces années lumineuses que nous avons voulu rendre hommage », même si déjà, prostitution, misère, drogue, alcool ont marqué tout le parcours d’Eleanora Harris Fagan, dite Billie Holiday. Se refusant de réduire le répertoire de cette voix majeure du jazz et du blues aux chansons désespérées ou engagées (comme le célèbre Strange Fruit qui appuie, en 1938, la lutte pour la mixité et l’égalité raciale), le superbe ensemble Hot Sugar Band et Nicolle Rochelle s’emparent, certes de chansons mélancoliques, (Yesterdays), mais aussi de ballades sentimentales qui célèbrent l’espoir, The way you look tonight, It’s like reaching the moon, déplorent les amours trahies, Moanin’Low, abordent parfois tout de même un bonheur amoureux, What a little moonlight can do… Séries de titres que l’on retrouve sur le très bel album Eleanora/ The early years of Billie Holiday que l’ensemble vient de sortir.

Nicolle Rochelle et le Hot Sugar Band à Gréoux-Les-Bains, festival de Jazz

Nicolle Rochelle et le Hot Sugar Band © Patrick Bourcelot

Le piano de Bastien Brison s’autorise de délicates échappées, tandis que la contrebasse de Julien Didier reprend parfois un archet classique avant de reprendre ses pizzicati rythmiques que prolonge la batterie de Jonathan Gomis aussi aux arrangements avec Jean-Philippe Scali (saxophone alto et clarinette) et Corentin Giniaux (clarinette, saxophone ténor) dont les improvisations magiques tissent avec la guitare de Vincent Simonelli la trame d’une subtile alchimie qui fait oublier l’heure. Les années trente livrent leurs chorus, se déclinent en solos inventifs et virtuoses, jonglent avec des airs empruntés à Ella Fitzgerald. Nicolle Rochelle chante, danse, solaire à l’image de ce qu’elle interprète. On en redemande !!!!

Concerts donnés au Centre de Congrès de l’Etoile de Gréoux-les-Bains lors du Festival de Jazz de Gréoux.

Nicolle Rochelle et le Hot Sugar Band à Gréoux-Les-Bains, festival de Jazz

Nicolle Rochelle © Patrick Bourcelot