Ovni inclassable dans l’univers du théâtre, La meringue du souterrain de la plasticienne Sophie Perez a investi l’espace du Bois de l’Aune

Dès l’entrée dans la salle, le spectateur est accueilli par un décor étrange, des moulages d’oiseau, de cheval, de têtes énormes en carton-pâte, de constructions décalées, disséminées sur les sièges de l’auditoire, tandis que le plateau semble être un album désordonné où se jouxtent des formes de meringue, de bonbons en gelée, de silhouettes de personnages cinématographiques et d’une bouche géante ouverte sur ses dents, surmontée de narines qui couleront vert à la fin de la pièce, on pourrait se penser au milieu des pages de Fluide Glacial, ce magazine délirant fondé par Gotlib, Alexis et Jacques Diament en 1975 et toujours sur les rangs.

Ne vous attendez donc pas au « bon goût » quelque peu suranné que pourrait avoir une séance d’introspection remplaçant l’éternelle madeleine proustienne par une meringue, triomphe du blanc d’œuf en transes. Une dame au double-menton tremblotant (Sophie Lenoir) arrive sur scène, attend en vain son rendez-vous, un monsieur dont la figure est entachée des mêmes attributs. Ce dernier ( Stéphane Roger) arrivera trop tard, réitérant le thème de la non-rencontre et du théâtre de l’absurde : on ne cesse d’attendre Godot, ici les mimiques font office de texte. Le texte, divisé en quatre parties aux titres à rallonge calligraphiés sur de larges ardoises noires, débarque sous forme d’un jeu délirant où une présentatrice déchaînée invite le public à deviner le dernier mot de citations célèbres, alors que son comparse se campe derrière une table de mixage qui amplifie les effets.

La Meringue du souterrain @ PH. Lebruman

La Meringue du souterrain @ PH. Lebruman

Chercher une logique dans ce bric-à-brac dément où les protagonistes endossent des rôles sans relation entre eux, semblent parfois jouer leur propre personnage, font une démonstration improbable de marionnettes, mettent en scène un canard péteur, peignent les jambes de l’une, montrent les fesses de l’autre, s’emparent de tout pour une performance effrénée, démontent les clichés, ignorent les frontières. Peut-on dire que les limites sont dépassées alors qu’elles ne sont même pas évoquées. C’est énorme, déroutant, fantasque, iconoclaste, et puise dans l’essence du rire la force de faire un pied de nez gigantesque à tous les modèles du « prêt à penser ». Salutaire et revigorant !

Les 7 et 8 décembre, théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence