Une troisième édition de haut vol pour le Rendez-Vous de Charlie, ce « petit frère du Charlie Jazz Festival » imaginé par l’association Charlie Free, a enflammé le public de la salle Guy Obino de Vitrolles
Internationales, les deux journées de ce temps fort de l’automne convoquaient en quatre concerts un florilège d’exception. La première soirée était placée sous le signe de la trompette avec Hermon Mehari puis Erik Truffaz, la seconde se concentrait sur des hommages, que ce soit avec le tromboniste Daniel Zimmermann et sa réinterprétation de l’œuvre de Serge Gainsbourg ou Kenny Garrett et son dernier projet, Sounds from the Ancestors. 

Trompettes

La trompette d’Hermon Mehari ouvrait le bal, inspiré par l’Érythrée que son père a fuie en raison de la guerre. Ce pays, visité une seule fois par le jeune musicien, a nourri les huit titres de son album, Asmara (nom de sa capitale). Si les rythmes renvoient pour beaucoup à ceux des musiques traditionnelles du pays de la Corne d’Afrique, la trompette veloutée se livre à des improvisations qui nous ramènent à l’univers du jazz, en volutes somptueusement orchestrées auxquelles répondent les performances du piano de Peter Schlamb, ami de toujours (« depuis dix-sept ans, complice musical déjà à Kansas City ! », sourit le trompettiste). La fête s’invite avec Melsi et ses musiques de danse, la fluidité du jeu du pianiste qui mêle les techniques du jazz et du classique, rivalise avec celle du trompettiste, tandis que la contrebasse de Luca Fattorini s’évade en solos inoubliables que scande, imperturbable Gautier Garrigue à la batterie.

Instrumentiste au long cours, Erik Truffaz, cet incomparable explorateur, revisitait quelques thèmes du cinéma (concert que l’on retrouve dans son dix-septième album en deux volets, Rollin’ & Clap), débutant en solo avec une trompette en épure, par le motif de La Strada, vite rejoint sur scène par Alexis Anérilles (claviers), Valentin Liechti (batterie), Marcello Giuliani (basse) et Matthis Pascaud (guitare). Le trompettiste au chapeau (il est coiffé de son éternel feutre noir) accorde son souffle aérien à ses mémoires de pellicules, convie Fantômas, Les tontons flingueurs, Le Casse, Ascenseur pour l’échafaud, One Silver Dollar. La musique des films est déclinée avec un amour et une espièglerie d’enfant. On repasse par des sentiers connus, le compositeur reprend Yasmina (écrite en 2001). Complicités entre la puissance de la trompette, l’incandescence de la guitare, les inspirations brillantes de la batterie, les échappées pianistiques…

Erik Truffaz au festival Rendez-Vous de Charlie à Vitrolles, automne 2023

Erik Truffaz, Rendez-Vous de Charlie © DR

Et hommages

Le 4 novembre, L’Homme à tête de chou in Uruguay, idée originale du tromboniste Daniel Zimmermann, offrait une relecture éclectique et personnelle de pièces du compositeur et « génial tricheur » (ibid) que fut Gainsbourg. Le musicien allait dénicher des passages oubliés, extrait de Rock Around the bunker (1975), de Gainsbourg Percussions (1964, New York USA ou Machin choses), ou des passages « mythiques » comme La Ballade de Melody Nelson, accompagné de la batterie de Julien Charvet, la guitare de Pierre Durand et la basse de Jérôme Regard.

Enfin, le dernier compagnon de route de Miles Davis, le saxophoniste Kenny Garrett, accompagné de Rudy Bird (percussions), Keith Brown (piano), Ronald Bruner (batterie), Jeremiah Edwards (contrebasse) et Melvis Santa (percussions & chant), présentait son dernier album (paru en 2021), Sounds from the Ancestors. Le musicien s’affirme ici comme un maillon de la longue filiation aux ramifications multiples du jazz. Son premier titre, It’s time to come home, souligne cette appartenance avec un saxophone alto qui chaloupe sur des percussions (Rudy Bird) qui semblent nées au cœur d’une cérémonie de chants Yoruban. 

Kenny Garrett au festival Rendez-Vous de Charlie à Vitrolles, automne 2023

Kenny Garrett au festival Rendez-Vous de Charlie © DR

Les « ancêtres » seront tour à tour Stevie Wonder, Aretha Franklin, son mentor, le trompettiste Marcus Belgrave, les batteurs Art Blakey ou Tony Allen dont le beat afro inspira Fela Kuti, et bien sûr, Miles Davis dont il fut le compagnon de route durant des années. Jazz, R&B, gospel de la ville natale du saxophoniste, Detroit, se retrouvent avec une richesse pailletée dans ce concert où les strates historiques nourrissent puissamment une inspiration personnelle qui dispense un art de la joie communicatif.

Seule ombre au tableau, la programmation est masculine à quasi cent pour cent (la chanteuse du concert de Kenny Garrett, Melvis Santa, n’était pas prévue dans la programmation initiale et sa ligne mélodique calquée sur celle du clavier ou du saxophone n’entre pas dans la structure des pièces). Promis, Aurélien Pitavy, directeur artistique de Charlie Free, annonce de fantastiques pointures féminines à l’affiche de la programmation annuelle du Moulin à Jazz !

Salle Guy Obino, Vitrolles, les 3 & 4 novembre dans le cadre du Rendez-vous de Charlie.x