En attendant Godot est sans doute la pièce la plus célèbre de Samuel Beckett. On en a tous lu des extraits au moins au cours de nos scolarités, vu ou subi quelques représentations (l’attente, ça peut être parfois très long !). D’aucuns y voient une parabole mystique, avec la supposée juxtaposition de god (dieu) et du suffixe « ot », ce dont se défendait le dramaturge. Mais comment croire l’un des pères de l’absurde ? Il mène avec une distanciation malicieuse le couple héroïque (Achille/Patrocle, Roland / Olivier) des mythes aux frontières du possible. Les héros sont devenus des vagabonds, la quête, une attente immobile… Le thème est simple : deux clochards viennent deux jours d’affilée au pied d’un arbre rachitique attendre un certain Godot. Ce dernier est censé les sauver, du moins l’espèrent-ils. Les sauver de quoi ? on n’en sait rien. Qui est Godot ? Mystère…

La troupe du Footsbarn s’attaque à ce monument de la littérature, introduit une musicienne, Katarzyna Klebba dont le violon mêle ses notes à des sons enregistrés, et la langue anglaise. Le texte est dit en français et en anglais, Vladimir répond souvent dans la langue de Shakespeare (autre pied de nez à la tradition) et incite Estragon qui enlève ses chaussures en disant « rien à faire », à être « raisonnable ». « Tu n’as pas encore tout essayé » lui dit-il. La mise en scène collective, pilotée par Paddy Hayter et Vincent Gracieux saisit l’instant, rend drôle le tragique, étonnante et animée l’attente statique. Les deux journées se font écho, Estragon ne se souvient de rien, Vladimir si, mais les assertions de son interlocuteur le poussent à douter.

En Attendant Godot par la troupe du Footsbarn

En attendant Godot © Florian Salesse,montageFrançois-XavierTourot

Les mêmes rencontres campent les mêmes situations. Estragon et Vladimir croisent par deux fois le tyran Pozzo et son homme de peine, Lucky. On rit, on attend la venue contredite chaque fois par un petit émissaire qui invite les personnages à revenir le lendemain, même lieu, même heure… Les similitudes sont porteuses d’illusion, le sujet se délite en même temps qu’il se construit. Le Footsbarn a su rendre l’univers de Beckett attachant, voire émouvant, fondu au creuset de l’absurde et tragique condition humaine.

Vu le 15 décembre au Bois de l’Aune à Aix-en-Provence